Suite et fin du jour 63 (19/11/2022)

Le trajet en bus de Chiraz à Yazd est long et assez ennuyeux sur la fin car il fait nuit (environ sept heures de route avec un petit arrêt). En arrivant à la gare routière, je trouve assez facilement un chauffeur avec l’application Snapp qui m’emmène jusqu’à l’auberge dans le centre-ville conseillée par Gijs et je demande comme prévu une place en dortoir qui se transforme en chambre individuelle car il n’y a personne d’autre.

Je pars rapidement acheter un sandwich dans la ville puis je rentre dans ma chambre, assez impatient de me poser tranquillement après ce long trajet en bus. Je profite de la bonne connexion internet pour me faire une longue session de « binge watching » de vidéos d’actualité ou d’extraits de films d’action pour me détendre et je fais aussi une petite mise à jour du blog pour indiquer ma nouvelle étape sur la carte. J’appelle également mes parents car lors de la dernière tentative nous étions régulièrement coupés.

Jour 64 (19/11/2022)

Dès le début de la matinée, je me lance dans la visite du centre-ville sous un beau ciel bleu et un soleil radieux. A proximité de mon auberge se trouve la très belle Mosquée Amir Chaghmagh colorée de différentes nuances de turquoise, fidèle à l’art de la décoration iranien.

Mosquée Amir Chaghmagh

Puis, je déambule au hasard dans les ruelles étroites et sinueuses de ton ocre formées par les habitations en terre cuite. Cela me rappelle avec plaisir la belle ville de Kashan, on peut se déplacer facilement à pied car peu de voitures s’aventurent dans ce dédale de rues dans le centre historique alors qu’il y a en périphérie de larges voies de circulation.  Un vent rafraichissant s’immisce dans les ruelles et je peux découvrir au loin, par-dessus les murs et les toits des habitations, des montagnes qui étaient cachées à ma vue lors de mon arrivée nocturne en bus la veille. Tous ces éléments font que je me sens bien dans cette ville et je me laisse porter par mon instinct pour choisir un chemin suivant les multiples possibilités qui s’offrent à moi, sans regarder la carte et quitte à revenir parfois sur mes pas.

La ville de Yazd possède de nombreuses tours à vents (appelées Bagdir) que j’avais découvertes pour la première fois dans une riche demeure de Kashan. C’est une haute cheminée en terre cuite dont l’intérieur est divisé en plusieurs conduits triangulaires séparés par des planches en bois qui permettent de capter les vents et les rediriger dans les habitations pour les rafraichir mais également d’évacuer l’air chaud par les autres conduits disponibles. Même en cas d’absence de vent, l’air dans les conduits se réchauffe sous l’effet du soleil et peut générer une ventilation étant donné que l’air chaud plus léger s’évacue de la cheminée et crée un appel d’air.

Les architectures de ces tours à vent sont variées et je ne me lasse pas de les admirer sous tous les angles en les mitraillant de photos souvenirs. Il y a également tout autour du centre historique quelques hautes et larges murailles qui protégeaient cette ville auparavant riche et prospère grâce à son commerce sur les routes de la soie.

En plus des tours à vent, la ville de Yazd tout comme une grande partie des régions iraniennes confrontées à la problématique des grandes sécheresses, a su utiliser avec ingéniosité des systèmes de canalisations appelés Qanats qui étaient creusés profondément sous terre afin de rejoindre des sources d’eau généralement proches des montagnes puis, avec une légère pente, permettaient d’alimenter en eau les villes et d’irriguer les champs sur le plateau. C’était également combiné avec d’autres techniques comme par exemple entreposer des morceaux de glace dans des salles en sous-sol aérées et à l’abri du soleil pour conserver de l’eau et de la fraîcheur. Ces techniques sont très anciennes et démontrent une nouvelle fois toute l’ingéniosité des peuples de cette région.

Désormais, le soleil est plus haut et, en suivant les conseils de Renaud, je marche à l’ombre des murs des habitations dans les ruelles pour éviter l’insolation. Yazd me plait beaucoup, c’est une ville très agréable à visiter par son authenticité, elle est bien préservée comme à Kashan, Mardin et Şanlıurfa avec de nombreuses maisons et monuments condensés sur une large superficie et avec le même type d’architecture et de couleurs.

En habitué, je fais la visite d’un nouveau sanctuaire puis je rejoins le grand jardin Dowlat Abad afin de me rafraichir au bord de son grand bassin ombragé grâce à de hauts arbres et aussi en me plaçant en dessous de son immense et magnifique tour à vent d’où je peux expérimenter le système de ventilation efficace. Je me fais la réflexion que l’Iran est le pays des charmes, fidèle à l’image que j’en avais des Mille et Une Nuit ou de Aladin.

La visite continue avec la découverte de l’imposant monument Amir Chaghmagh qui est un immense mur de voûtes en arches superposées sur deux niveaux et surélevé d’un troisième niveau avec deux hauts minarets de chaque côté. J’admire cette sorte d’immense château de cartes depuis une place où je prends un déjeuner un peu particulier. Ayant eu du mal à trouver sur mon chemin un sandwich ou même un kebap, je me rabats sur un pot de maïs cuit avec des champignons, du fromage, une espèce de mayonnaise et plein d’épices que j’accompagne pour me rafraîchir d’un jus de pommes grenades en souvenir du fruit que j’avais dégusté avec plaisir sur le sommet du mont Derak à Chiraz. Cependant, le plat de maïs s’avère écœurant avec son trop plein de sauce et je sens que le maïs va être difficile à digérer.

Amir Chaghmagh

Finalement, je ne termine pas mon plat et je continue mon chemin mais avec une désagréable sensation de perturbation dans mes intestins et un mal de tête, peut-être que le soleil omniprésent amplifie mes nausées et je me retiens d’une envie de vomir pour ne pas gâcher la beauté des lieux. Je marche désormais à petit pas et en respirant fort en espérant que cela passe avec de petites gorgées de jus de pommes grenades.

Heureusement, le spectacle est toujours aussi intéressant lorsque je m’enfonce dans la ville en direction d’un temple du feu zoroastrien. Sur le chemin, il y a plein de petits passages semi secrets avec des voûtes entre les murs, les tours à vents avec leurs architectures spécifiques et des points en hauteur me permettent également d’admirer la vue sur les montagnes environnantes.

J’arrive finalement au temple du feu zoroastrien, la ville de Yazd et ses environs ayant encore une communauté de plusieurs milliers de croyants. Un panneau explicatif me permet de mieux comprendre le symbole du vieux sage ailé avec des ailes et un anneau que j’avais découvert la première fois sur les sépultures royales de Persépolis. Vous trouverez ci-dessous la photo avec les explications en anglais dont voici une rapide traduction. Le sage barbu incite à respecter les anciens qui détiennent le savoir, le grand anneau du milieu représente le fait que les bonnes actions entraînent les bonnes actions et inversement les mauvaises actions entrainent les mauvaises actions. Le plomb à trois niveaux au-dessous du sage symbolise les idées malveillantes sur la première couche puis en dessous les mots négatifs et au dernier niveau les mauvaises actions tandis que les grandes ailes de chaque côté sont également à trois niveaux pour symboliser les pensées bienveillantes, les mots positifs et les actes bons. Le petit anneau dans la main représente la fidélité à ses promesses.

Le temple en lui-même n’a pas grand intérêt, la décoration est sobre et moderne où l’on peut appercevoir à travers des vitres un simple feu alimenté en continu. Ensuite, il y a une autre salle plus intéressante avec des photos et des explications en anglais des principales cérémonies de la religion zoroastrienne rythmant la vie de ses pratiquants (le nouvel an perse Norouz, une sorte de profession de fois pour les jeunes adolescents, le mariage…). D’après les quelques informations que j’ai lu dans mon guide et sur internet, la religion zoroastrienne est axée sur la dualité entre le Bien et le Mal et l’homme dispose d’un libre arbitre pour choisir le sens de ses actions avec l’idée que le bien engendre le bien et inversement. Ahura Mazda est le dieu principal et le feu est vénéré car considéré comme d’origine divine. Chaque être humain sera jugé à sa mort en fonction de ses actes mais l’enfer n’est qu’un passage temporaire pour racheter ses fautes avant de pouvoir accéder au paradis.

Cette visite a eu un effet bénéfique, peut-être en me permettant de penser à autre chose, car mes maux d’estomacs et de tête ont disparu et je peux reprendre tranquillement ma marche de retour, je ne suis pas prêt de réessayer ce plat de maïs !

Pour terminer cette journée en beauté, je prends un Coca dans un café qui dispose d’une terrasse sur le toit en plein centre du quartier historique. Je suis le seul sur la terrasse alors que la vue est magnifique sur la Mosquée Amir Chaghmagh, les toits de la ville de Yazd ainsi que sur les montagnes autour. Clairement, cette ville mériterait bien plus de touristes, en espérant qu’ils reviendront en nombre bientôt !

Vue du coucher de soleil sur la ville de Yazd depuis la terrasse d’un café sur les toits

Jour 65 (20/11/2022)

Ce matin, je pars tôt avec un jeune chauffeur du personnel de l’auberge qui m’emmène visiter toute la matinée plusieurs sites d’importances. Je m’étais décidé à réserver ce tour hier en fin de journée même en étant seul car la beauté de la ville de Yazd et de ses montagnes autour me laissait penser qu’il devait y avoir des sites intéressants à visiter autour ainsi que des paysages sympathiques et j’ai eu bien raison !

Nous empruntons une route de taille moyenne toujours située sur le plateau bordé par les montagnes et je me fais la réflexion que l’Iran est un pays de déserts mais aussi de montagnes, c’est la majorité des paysages que je vois depuis que je suis dans ce pays avec des variances de couleurs.

Après environ une heure de route, nous arrivons au premier arrêt dans la ville de Kharadaq. Mon chauffeur m’indique que je peux aller me promener dans un ancien caravansérail que je ne connaissais pas et dont je peux apercevoir depuis la vitre de la voiture d’anciennes hautes murailles mais cela ne me laissait pas entrevoir tout le reste. C’est après avoir traversé un petit tunnel creusé dans la muraille que je me rends compte de la taille du site, ce n’est pas un simple caravansérail comme j’avais pu en voir plusieurs auparavant mais une ville entière en briques de terre cuite qui est désormais abandonné mais où l’on peut se balader librement à travers les ruines. Aussitôt, je suis attiré par des escaliers dans une bâtisse pour prendre de la hauteur et je découvre, ébahi, l’ampleur du site avec ses nombreuses maisons de couleur ocre dont parfois il manque un toit ou des murs mais qui permettent tout de même de bien se représenter la ville de l’époque et, tout autour, un peu au loin, des montagnes majestueuses. En contrebas, il y a également quelques cultures qui ajoutent de nouvelles couleurs à ce panorama époustouflant. J’ai le souffle coupé par cette surprise magnifique et je reste de longues minutes à contempler ce paysage, seul au milieu de cette ville fantôme et de ce paysage majestueux.

La partie ancienne de la ville de Kharadaq complètement abandonnée autour des montagnes

Puis, je me lance à la découverte de chaque rue et de chaque habitation quand c’est possible d’y entrer. Je peux me déplacer librement dans cette ville ouverte aux quatre vents en faisant attention à ce que la structure en briques de terre qui s’effrite ne s’écroule pas sous mon poids donc je tâche de répartir au mieux mon centre de gravité et de marcher sur d’anciennes traces de pas. C’est un vrai dédale de rues et de pièces aux ouvertures multiples donnant sur des couloirs ou des escaliers permettant d’accéder à d’autres niveaux et points de vue. Je vais partout, assoiffé de curiosité et excité comme un gamin, je retrouve les sensations d’être Indiana Jones comme en Cappadoce. J’en ai presque les larmes aux yeux lorsque je contemple ce spectacle grandiose depuis une terrasse offrant une vue panoramique. L’effet de surprise a eu un rôle dans ces sensations mais c’est aussi ce mélange de grands espaces naturels et de monuments historiques s’insérant parfaitement dans ce cadre et même le bonifiant qui m’émeut.

Je prends une bonne heure pour m’imprégner des lieux et visiter les moindres recoins puis je rejoins mon taxi. Je serais bien resté toute la journée mais je sais qu’il y a encore de nombreux sites à visiter donc je tâcherai de conserver ces souvenirs dans ma mémoire à l’aide des photos prises et de ce récit de voyage et, qui sait, peut-être que j’y reviendrais un jour ?

Mon chauffeur fait demi-tour et nous quittons la route principale d’où nous étions venus pour nous enfoncer en plein cœur d’un massif montagneux qui était sur notre côté gauche en venant à l’aller. Cette route est magnifique et je me mets à rêver de la parcourir un jour à moto car elle a de larges virages et de grandes lignes droites au plus près des montagnes majestueuses avec aucune habitation et très peu de véhicules qui la parcourt. Je prends beaucoup de photos par la fenêtre passager et je demande également à mon chauffeur de s’arrêter de temps en temps pour pouvoir en prendre depuis l’extérieur du véhicule.

Nous arrivons au bout de cette chaîne de montagne et nous empruntons une route qui nous mène au pied d’une montagne de roche à la pente abrupte et vertigineuse où se trouve le site de Tchak Tchak avec un temple du feu qui est l’un des lieux les plus sacrés de la religion zoroastrienne. Comme pour le précédent temple que j’avais visité à Yazd, il représente peu d’intérêt décoratif ou architectural à mes yeux avec un simple feu que l’on peut observer à travers des grilles et les bâtiments tout autour sont en béton. Il n’y a quasiment personne mais apparemment c’est un important lieu de pèlerinage zoroastrien donc des logements sont prévus à cet effet. Néanmoins, les nombreuses terrasses en accès libre sur les toits des habitations offrent un beau panorama sur la vallée et les montagnes. Je passe donc presque une heure sur ce site en me promenant sur les terrasses et en accédant à une plateforme rocheuse à proximité qui permet d’avoir une vue d’ensemble sur le village et les montagnes.

Ensuite, nous nous éloignons du massif rocheux pour retourner sur le grand plateau et nous faisons quelques arrêts visites d’un caravansérail et d’un château mais sans grand intérêt pour moi après tout ce que j’ai pu voir donc je ne m’attarde pas beaucoup. Le dernier arrêt est plus original car il s’agit d’une grande tour sans fenêtre dont l’intérieur est recouvert de nid individuel pour des pigeons afin de collecter leurs excréments pour produire des fertilisants. L’architecture intérieure avec sa compilation de nid creusé dans le mur est très différente de ce que j’ai pu voir.

La tour aux pigeons

Nous rentrons en début d’après-midi et je reste dans ma chambre pour me reposer ainsi que pour avancer dans la rédaction du blog que j’avais délaissé pendant quelques jours à Chiraz. Puis, en fin d’après-midi, je cherche un café ou un restaurant ayant une télévision pour regarder le match de football opposant l’équipe d’Iran à l’équipe d’Angleterre. Je trouve un restaurant kebap qui diffuse le match mais, malheureusement pour l’Iran, l’équipe d’Angleterre est en pleine forme et ses multiples assauts offensifs alourdissent le score du match. Espérons qu’ils pourront faire mieux pour les deux prochains matchs !

Je rentre à l’auberge avant la fin du match et je profite de la bonne connexion internet pour appeler un ami et publier un nouvel article sur mon blog.

Demain, je partirai pour la ville de Kerman avec l’objectif de découvrir le fameux désert du Lut, à suivre dans le prochain article !