Jour 94 (20/12/2022)

Après une matinée consacrée au blog, je prends un bus à midi pour rejoindre la ville de Peshawar en seulement deux heures de trajet. A l’arrivée, je suis encore aidé par un passager qui m’emmène en taxi à mon hôtel qui se trouve sur sa route. Puis, mon guide Tayyab me rejoint afin de préparer les visites des deux prochains jours et il se propose de m’aider pour trouver une banque où retirer de l’argent ainsi que pour acheter une carte Sim locale car mon forfait Free fonctionne très mal depuis que je suis dans le nord du Pakistan. Ensuite, nous dînons ensemble dans un restaurant afghan avec un bon plat de riz et de bonnes grillades.

Jour 95 (21/12/2022)

Nous commençons la journée avec Tayyab en nous rendant à une gare routière d’où partent les fameux bus de ville pakistanais qui sont richement décorés. Ils sont plusieurs stationnés sur place avant de prendre leur départ donc c’est l’occasion de pouvoir admirer de près leurs couleurs, leurs dessins et leurs nombreux accessoires de décoration dont notamment des petites chaines avec des sortes de grelots au bout qui pendent de dessous le parechoc ou des bâtons qui se dressent tout autour du parechoc. Il y a également des drapeaux de tissus noirs tout autour de la cabine pour protéger le conducteur de la malchance. C’est impressionnant les efforts et le soin que les pakistanais apportent à la décoration et à l’entretien de leurs camions et de leurs bus de transport alors que c’est une activité peu rémunératrice. Ces camions décorés font clairement partie des emblèmes du Pakistan qui le distinguent des autres pays.

Puis, nous visitons des ateliers de décoration et de réparation de ces camions. On y retrouve tous les accessoires possibles dans des petits magasins et il y a divers ateliers pour reconstruire un camion à partir du châssis et de la cabine jusqu’à la décoration finale avec différents motifs et peintures. En voyant les moteurs à l’air libre dans lesquels trifouillent des mécaniciens ou de la carrosserie remise en forme à coup de marteau, je me mets à imaginer Nicolas Bouvier et son compagnon de voyage déambuler sur ce site pour réparer une énième fois leur vielle voiture.

Il y a même une personne assise par terre qui fait des gravures sur bois à l’aide d’une sorte de burin métallique et d’une buche en bois en guise de marteau. Il exécute des gestes précis et mesurés qui donnent progressivement formes à de belles gravures sur bois devant mes yeux ébahis. Au Pakistan, on fait régulièrement des sauts dans le passé pour redécouvrir des métiers de l’ancien temps et des savoirs faire aujourd’hui disparu avec l’avènement des machines.

Atelier manuel de gravure sur bois pour décorer les camions

Nous terminons le parcours par des ateliers de peinture avec des dessins et des couleurs très raffinés, les peintres laissent même en signature leur numéro de téléphone en guise de publicité et ils peuvent être fiers de leur travail !

Ensuite, Tayyab m’emmène visiter le centre-ville de Peshawar avec ses nombreux bazars qui vendent tous types de produits. De la nourriture bien entendu, avec de nombreux plats variés et alléchants, des montagnes de riz surmontées par des morceaux de viandes, des fruits secs, des beignets fris gorgés de sucre qui sont succulents avec du thé, des galettes de pain cuites sous nos yeux, des pieds de chèvre qui sont bouillis pendant des heures dans une sorte d’immense amphore en terre cuite pour en servir une sorte de bouillon dans lequel on trempe les galettes de pain, des étals de bouchers avec de la viande fraiche et des abats qui pendent en l’air dans la rue mais, cette fois-ci, les étals sont propres et régulièrement rincés donc l’hygiène est bien meilleure que dans le marché de l’Impératrice à Karachi, des barbecues pour des brochettes de viande ou des poulets entiers, du poisson frais de la rivière que l’on peut manger ensuite fris à la poêle et, bien entendu, des fruits et légumes. Mon indigestion alimentaire me semble désormais loin et j’ai envie de goûter à tous ces mets appétissants!

Voilà pour les plaisirs de la bouche et du ventre mais il y a aussi de nombreux étals pour se vêtir à la mode locale et notamment pour ces dames avec de belles robes colorées pour les fêtes de mariage bien que je me dois de souligner que le visage des femmes n’est pas souvent accessible au regard dans les rues. Il y a aussi des plateaux pour transporter des petites coupes remplies de henné pour décorer la peau de la gente féminine lors des grandes occasions et il y a aussi des petites boutiques de shampoings et de savons faits sur place dans des bidons de produits chimiques. Il y a également des écorces de bois qui sont apparemment utilisées pour nettoyer les dents mais qui ont apparemment aussi la propriété de rougir les lèvres si j’ai bien compris et, généralement, sur le même étal sont vendus des équivalents du mascara pour noircir les cils et sourcils.

Il y a également de nombreux feux d’artifices de toutes tailles avec suffisamment de poudre pour illuminer tout le ciel et, dans le même thème, sont vendus des ceintures de revolver avec des étuis pour les cartouches: nous sommes dans un autre monde !

De plus, il y a tous les ustensiles pour la cuisine avec des casseroles de toutes tailles et des ballais confectionnés à la main avec des sortes de roseaux fins et rigides.

Par ailleurs, la ville de Peshawar n’est pas en reste en ce qui concerne les monuments historiques avec de nombreux anciens bâtiments en bois datant de l’époque des moghols puis des britanniques avec de jolies décorations même s’ils ne sont pas toujours bien rénovés et que la peinture est souvent décrépie. D’anciennes riches demeures semblent souvent inhabitées car en mauvais état mais quelques unes sont bien rénovées. Ces bâtiments historiques sont présents dans le centre-ville que l’on peut parcourir à pied dans des rues étroites où les tuktuks et les motos parviennent toujours à se frayer un chemin.

Certains monuments commémorent également des révoltes populaires qui ont été très durement réprimées par les britanniques à l’époque de leur empire des Indes et, comme dans la ville de Multan, il y a d’anciennes portes qui permettaient de franchir les murailles de la ville à l’époque des moghols.

Nous continuons notre visite à pied de la ville et nous rejoignons la Mosquée Mahabat Khan datant de l’époque moghol au début du dix-septième siècle et dont la façade est en marbre blanc éclatant. A l’intérieur, il y a également de belles décorations murales comme en Iran avec des fleurs aux couleurs chatoyantes où le rose domine.

Mosquée Mahabat Khan

La ville de Peshawar me plaît, elle a du charme avec ses nombreux bazars, ses bâtiments historiques et sa population portant en grande majorité des habits traditionnels avec leur spécificité régionale (l’ethnie des pachtounes) fortement influencée par son voisin proche l’Afghanistan et cela me donne envie de découvrir ce pays dont la culture et les paysages semblent uniques au monde. Mais bon, je vais en rester à mon itinéraire prévu pour le moment et éviter de donner de nouvelles sueurs froides à mes parents et à mes proches.

Il est difficile de choisir le type de plat pour le déjeuner étant donné l’offre riche et variée mais, finalement, j’opte pour du poisson local que nous dégusterons fris à la poêle avec une sauce légèrement épicée et des galettes de pain fines. C’est très bon.

Ensuite, Tayyab m’emmène à pied à travers des ruelles étroites et de moins en moins fréquentées pour accéder à l’entrée d’un temple Sikh à l’abris des regards et protégé par quelques gardes armés. Les Sikhs sont une des minorités du Pakistan et, au début du dix-neuvième siècle, alors que l’empire moghol se désintégrait, ils parvinrent à créer un état indépendant sikh qui s’étendait de Peshawar à Lahore pendant quelques décennies puis il fut intégré de force au nouvel empire britannique des Indes. Grâce à l’entremise de Tayyab et à l’amabilité des gardes et des responsables sikhs, je suis autorisé à visiter le temple en couvrant ma tête avec mon bonnet par respect pour ce lieu. Je ne peux prendre des photos que de l’extérieur et sur le toit du temple où l’on m’offre un thé et où je fais une photo souvenir avec un garde sikh qui m’accompagne et qui est très sympathique malgré l’arme qu’il porte constamment sur lui. La présence de gardes armés ne me surprend plus tellement car c’est fréquent au Pakistan mais, heureusement, je ne les ai jamais vu s’en servir et ils sont souvent aimables.

Visite d’un temple sikh

Puis, nous nous baladons dans d’autres bazars qui sont à profusion dans cette ville avec notamment le bazar des oiseaux, le bazar des ateliers de réparation de tous types de moteur et aussi le bazar des chaussures situé juste à proximité des ateliers de fabrication de chaussure ! C’est la première fois que je vois des objets fabriqués devant mes yeux puis vendus dans des boutiques situées à quelques dizaines de mètres. Les semelles sont découpées puis cousues à la machine comme vous pouvez le voir dans cette vidéo.

Atelier de fabrication de semelles de chaussures

Nous terminons la journée chez un vendeur de tapis qui me déballe toute sa marchandise alors que j’ai indiqué dès le début que je n’étais pas intéressé car mon sac est déjà trop lourd. C’est usant mais je ne lâche rien même lorsqu’il il me sort le couplet sur ses difficultés économiques et qu’il ne fait soi-disant pas de profits sur ses ventes. Auparavant, Tayyab m’avait emmené prendre un thé dans la boutique de son père qui vend différents types de bijoux en souvenirs et qui s’était montré gentiment insistant donc j’avais fini par prendre un collier pour ne pas créer d’impair mais ce type de visite de magasins où je suis seul avec le vendeur plein d’espoir devant le touriste étranger que je suis et qui est symbole de richesse n’est clairement pas de mon goût et je le fais savoir ensuite à Tayyab afin de ne pas renouveler l’expérience.

De retour à l’hôtel, je dîne seul le soir dans un restaurant en bord de rue près d’un quartier fréquenté après avoir sillonné la rue avec de nombreux restaurants ou stands de nourritures alléchantes. Parmi les pays que j’ai visité dans ce voyage, je place pour le moment sur la première marche le Pakistan en termes de gastronomie, quasi à égalité avec la Turquie, pour la qualité et la diversité de ses plats même si j’ai eu une indigestion alimentaire par mégarde. Ce n’est pas trop épicé à mon goût et il y a différentes saveurs pour les plats ainsi que pour les desserts.

Jour 96 (21/12/2022)

Ce matin, nous commençons avec Tayyab par la visite du musée de Peshawar qui a été construit par les britanniques au début du vingtième siècle et dont l’architecture alliant l’art britannique et moghol est très esthétique. L’intérieur comporte un grand et bel hall pour exposer les nombreuses œuvres du musée dont notamment une collection importante de la région historique du Gandhara située au nord-ouest du Pakistan et dont Peshawar était un centre important et qui a été influencée ou dominée par de nombreuses civilisations et religions (Perses, Macédoniens, Bouddhisme, Hindouisme..). Le musée a de nombreuses sculptures bouddhistes et il y a également une section dédiée au peuple de la minorité des Kalash située dans les montagnes à l’extrême nord-ouest du Pakistan et que je compte aller visiter pour ma prochaine étape. Ce musée est très bien entretenu et bien plus agréable et intéressant à visiter selon moi que celui de Karachi.

Puis, Tayyab m’emmène en tuktuk en périphérie de la ville pour visiter un bazar plus récent qui rassemble de nombreux produits électroménagers importés principalement de Chine et du Japon. Il y a également un bazar pour les équipements militaires avec des gilets pare-balles, des jumelles et des couteaux dignes de la panoplie de Rambo. L’Afghanistan n’est plus très loin.

Nous déjeunons tardivement en goûtant des sortes de steak de viandes hâchés avec des épices appelés « kebap chapli » qui est un plat local et c’est encore une belle découverte.

Ensuite, Tayyab m’emmène visiter discrètement un site de fabrication d’armes. Je m’attendais à une grande usine mais il s’agit d’un petit atelier avec une dizaine de personnes qui ont chacune leur spécialité et sont réparties sur une chaîne de production et de montage en série. Apparemment il y a d’autres ateliers de cette sorte et celui-ci fabrique des pistolets de style Beretta. Cela commence par des plaques de métal brutes qui sont découpées et percées à la machine pour obtenir la forme basique du pistolet qui sera ensuite enrichi d’autres accessoires dans les différents postes de travail.

Nous avons terminé la visite des principaux points d’intérêt de la ville, nous nous promenons dans un ancien parc du centre-ville puis, à ma demande, Tayyab m’emmène chez un coiffeur car mes cheveux et ma barbe commencent à devenir hirsutes et désordonnés. Et puis c’est devenu une tradition pour moi dans ce voyage d’expérimenter les coiffeurs de chaque pays. C’est un jeune homme d’une quinzaine d’années qui s’occupe de moi en vrai professionnel avec des gestes précis et attentionnés. Pas de coupe de Tintin cette fois-ci mais des cheveux aplatis sur un côté en bon premier de la classe.

Mon jeune coiffeur pakistanais, très professionnel

La journée s’achève et Tayyab m’accompagne jusqu’à la gare routière où je vais attendre un bus de nuit qui m’emmènera pour de nouvelles aventures à la découverte du peuple et de la vallée des Kalash afin de passer les fêtes de Noël à la montagne avec, je l’espère, de la neige.

Je remercie Tayyab pour ses services et la visite très intéressante de la ville de Peshawar, il m’a également bien aidé pour acheter une carte sim, réserver un billet de bus, trouver un hôtel à un bon rapport qualité prix et c’est appréciable. Mais je dois dire également que ce type de visite seul avec un guide me pèse aussi avec le temps car je me sens constamment obligé d’alimenter la conversation, de partager mes impressions et de suivre un itinéraire sans me laisser l’initiative, à l’instinct. C’est la contrepartie de la sécurité et du confort qu’offre la visite avec un guide, l’avantage est également selon moi de gagner du temps en visitant plus rapidement les lieux les plus importants sans se perdre dans la ville sachant que les monuments ne sont pas toujours bien indiqués ou accessibles comme le temple sikh ou l’atelier de fabrication d’armes. Mais, globalement, je préfère quand même pouvoir organiser la visite par moi-même et puis je ressens aussi le besoin de pouvoir partager des moments de complicité avec des gens que je connais bien pour avoir des conversations plus libres et faciles. Je découvre ou redécouvre petit à petit les avantages et inconvénients de ce type de long voyage solitaire, à moi ensuite d’essayer de l’adapter pour qu’il me convienne au mieux et puis il y a aussi une grande part de hasard dans les rencontres que l’on fait au cours du voyage. A suivre !