Jour 10 (27/09/2022)

C’est forcément subjectif et soumis au hasard de la météo, des rencontres et du temps alloué mais la Serbie est mon coup de cœur de ce début de voyage (en gardant bien entendu un très bon souvenir de la route de Nancy à la Slovénie sous le soleil).

Pourtant, les premiers kilomètres en Serbie ne m’ont pas enchanté, le paysage était plat, le ciel gris et les villages traversés sans réel attrait, j’observais également un niveau de vie plus modeste au vu de l’état d’entretien de la route et des bâtiments. C’était l’occasion de réutiliser mes rudiments d’alphabet cyrillique appris en cours de russe au lycée afin de déchiffrer les panneaux même si pour les principales villes de Serbie il y a également la dénomination en lettres latines.

Les effets du charme de la Serbie ont commencé à opérer dans la ville de Novi Sad lors d’une belle éclaircie alors que je me garais près du centre-ville entièrement piétonisé pour faire ma pause déjeuner, constitué bien entendu de pitas.  En flânant dans les rues, j’ai pu découvrir plusieurs passages couverts comme à Paris avec des boutiques et qui donnent parfois sur des petites places qui servent de terrasses à des restaurant en toute intimité et à l’abri de l’agitation de la ville. Il y a également des balcons élégants avec des balustrades en colonnes ou en fer sur lesquels sont accrochés de nombreux pots de fleurs et le tout protégé par un toit en verre avec des armatures en fer d’un style raffiné.  De l’autre côté de la rive du Danube, il y a une ancienne forteresse d’envergure et bien entretenue qui domine la ville.

Place au bout d’un passage couvert dans la ville de Novi Sad

Je serais bien resté une journée dans cette ville mais je préfère avancer pour faire mon premier jour sans moto à Belgrade, la capitale du pays. J’ai réservé pour l’occasion une chambre individuelle dans une auberge de jeunesse qui est située sur les flots du Danube et légèrement excentrée du centre-ville mais la marche est agréable dans un grand parc avec des voies aménagées pour les piétons et bien éclairées la nuit. Je gare ma moto en face de l’embarcadère qui permet d’accéder à l’auberge et j’utilise mon cadenas pour davantage de sécurité.

Vue sur le Danube et la forteresse de Belgrade de puis mon auberge

Je me dépêche d’installer mes affaires dans ma chambre puis je me dirige à pied vers le centre de Belgrade que je suis impatient de découvrir. Le ciel s’est découvert et projette ses derniers rayons de soleil avant de se coucher, c’est souvent mon moment préféré de la journée où la lumière est la plus belle et donne une tonalité plus chaleureuse au paysage. La vue sur la vielle ville étant barrée par des péniches, je me précipite dans l’une d’entre elle en commandant une bière afin de pouvoir profiter du spectacle.

Puis j’emprunte le pont traversant le Danube et, instinctivement, je me dirige vers la forteresse qui se situe à l’extrémité nord de la ville et qui surplombe la jonction de la rivière Sava avec le fleuve du Danube. Le soleil a disparu mais une ligne orangée apparait encore à l’horizon, le chemin longe les remparts illuminés par des projecteurs dans un grand parc isolé des voitures. Il y a de nombreux passants qui se promènent ou s’installent sur un banc ou sur la muraille afin de profiter de la vue en silence ou en parlant doucement, sans doute subjugués comme moi par la beauté du spectacle. C’est un lieu de rendez-vous idéal pour les amoureux de cœur ou de la nature avec ses contrastes entre les lumières des projecteurs et l’ombre derrière les remparts, avec de multiples ouvertures pour accéder à cet espace magique mais protégé par de hautes et épaisses murailles. Serait-ce une métaphore de la vie avec ses moments de joie mais aussi de difficultés de tout ordre où il faut trouver l’accès pour les surmonter quitte parfois à les contourner pendant un certain temps ?

Peut-être mon imagination débordante me joue des tours et si vous venez vous n’aurez pas la même impression, surtout avec l’effet de surprise en moins après ce descriptif mais je vous invite quand même à découvrir cette ville si vous en avez l’occasion.

Ensuite je reviens dans le monde moderne en parcourant de larges avenues piétonnes mais sans grands intérêts avec des magasins ou restaurants au style universel moderne avec peu de monuments historiques. Belgrade a été malheureusement conquise et détruite de très nombreuses fois pendant les siècles passés, étant un point clé pour sécuriser ou étendre les empires à proximité. Je découvre néanmoins la présence de plusieurs cafés et bars au détour de certaines ruelles qui pourraient être sympathiques à fréquenter si j’étais avec des amis, j’essayerais d’en tester demain mais pour cette journée j’ai besoin désormais de me reposer et je rentre à l’auberge.

Jour 11 (28/09/2022)

Le lendemain, pour la première fois depuis le début de mon voyage je n’ai pas à changer de lieu d’hébergement et c’est bien pratique. J’en profite donc pour flâner dans Belgrade de jour avec un point de destination finale à visiter, comme par exemple la monumentale église Saint-Sava qui est excentrée au sud de la ville, et je me laisse guidé par ce qui attire mon regard sur le chemin : une ruelle ombragée, un monument historique, un parc, une manifestation… Cela me permet de découvrir plusieurs cafés ou restaurants chics et branchés à l’écart des grandes avenues, j’en repère notamment un qui me plait bien et qui est proche de la forteresse, j’y retournerai le soir pour boire un verre après ma balade sur les hauteurs de la forteresse.

Eglise Saint-Sava de Belgrade

Je rentre dans l’après-midi pour faire un nouveau lavage à la main de mes vêtements encore peu concluant et je profite du soleil pour les faire sécher dans le parc avec ma tente tout en lisant un livre. Puis, je fais une petite sieste avant de continuer mon blog et je m’offre ensuite une bière en récompense sur la terrasse de l’auberge sur le Danube.

En début de soirée, je me dirige à nouveau dans le centre-ville à pied en mangeant une pita qui me restait de mon déjeuner. Je longe à nouveau les remparts de nuit dans une atmosphère toujours aussi poétique puis je vais dans un bar que j’avais repéré dans l’après-midi. Il y a déjà du monde et comme je suis seul on m’indique une table haute et ronde qui est partagée avec d’autres petits groupes. Je commande un verre et j’observe la clientèle autour de moi en me demandant si je vais réitérer une tentative de discussion comme à Ljubjlana. Ce sont visiblement tous des serbes, il y a un groupe de trois jeunes filles à ma gauche et deux binômes d’hommes à ma droite mais je ne me sens pas très inspiré donc je sirote mon verre tranquillement. Les groupes autour de moi changent et lorsque je m’apprête finalement à partir, j’entends à ma droite un couple parler en anglais pour demander le menu, je saisis l’occasion pour leur tendre le mien et échanger quelques mots. Je sens qu’ils sont ouverts à la discussion et nous nous présentons. C’est un jeune couple de turcs qui se sont mariés il y a quelques mois et ils passent une semaine de vacances à Belgrade et dans les alentours. Le mari s’appelle Kaan, il vient tout juste d’avoir trente ans et il travaille dans le transport maritime, sa femme s’appelle Ecem et elle est pianiste. Nous discutons de nos impressions sur Belgrade, de la vie dans nos pays respectifs et de nos projets. Le courant passe bien et nous reprenons un verre ensemble. Je leur indique mon intention de passer en Turquie et ils me font des suggestions de villes à visiter, notamment la leur, Bursa, qui pourrait être une étape intéressante entre Istanbul et Ankara : à suivre !

Nous nous quittons après avoir échangé nos contacts Instagram (c’est désormais la norme et cela permet d’en savoir un peu plus sur la personne et de suivre son activité) et en faisant une petite photo souvenir en espérant se revoir.

Ecem, Kaan et moi-même dans un bar de Belgrade

Je retourne à pied vers mon auberge, satisfait de cette belle rencontre par un heureux hasard. Sur le chemin, de l’autre côté de la rive du Danube, je longe des péniches qui sont très animées malgré le fait que nous ne sommes que le mercredi soir et je me décide d’aller sur l’une d’entre elle, attiré par la musique rock qu’elle émet. Il s’agit d’un groupe de jeunes musiciens serbes qui reprennent des grands classiques anglosaxons mais aussi des chansons serbes qui semblent très populaires également. L’ambiance est survoltée avec un jeune public serbe plein de vitalité à l’image du groupe de rock et je passe une très bonne fin de soirée à bouger au rythme de la musique tout en me joignant aux acclamations du public.

Au bout d’une heure, le concert prend fin et cette fois-ci je rentre me coucher même si les péniches continuent de diffuser de la musique à tue-tête : ils sont fous ces belgradois !

Concert de rock sur une péniche à Belgrade

Jour 12 (29/09/2022)

Je quitte Belgrade pour une longue étape à moto de plus de trois cents kilomètres car je me suis finalement décidé à faire un détour d’une centaine de kilomètres afin de découvrir les gorges des Portes de Fer sur les conseils d’un ancien collègue. Et, en effet, je ne vais pas être déçu.

Je rejoins assez rapidement la campagne et les paysages sont agréables à observer, surtout sans la pluie cette fois-ci. Par contre, il n’y a qu’une seule voie avec beaucoup de poids lourds donc le trafic est ralenti. Puis, lorsque la route rejoint et longe le Danube avec la Roumanie sur l’autre rive, le spectacle est grandiose avec les fameuses gorges des Portes de Fer qui sont impressionnantes. Et, comme c’est la basse saison qui commence et que la route ne passe pas par des villes importantes, je croise très peu de véhicules. Je retrouve les sensations de liberté et d’euphorie grisante comme sur la route des premiers jours en France, en Bavière et en Autriche.

Les gorges des Portes de Fer

J’arrive dans un camping à la ferme proche de la frontière bulgare, du côté de la ville de Negotin. Je suis le seul client et je suis accueilli par le fermier avec un verre de Slivovitz ou un équivalent, puis un deuxième verre comme j’ai terminé un peu trop vite le premier, pensant faire honneur à mon hôte. J’installe ensuite le campement puis je vais m’assoir au bord du Danube au coucher du soleil, c’est apaisant.

Ensuite, lorsque je sors de la douche, j’aperçois une seconde tente et je fais la rencontre de Tom, qui est parti de chez lui en Angleterre pour rejoindre Istanbul à vélo ! Il a déjà fait six semaines de vélo et il compte arriver d’ici deux semaines. Je suis impressionné car cela demande beaucoup d’énergie et de motivation mais il en est très content. Même s’il a eu quelques galères, dans l’ensemble il a fait de belles rencontres et il a pu faire aussi des pauses dans des capitales avec des amis qui l’ont rejoint pour quelques jours. Tom a démissionné tout comme moi pour faire ce voyage et il pense continuer ensuite plusieurs mois vers de plus lointaines destinations comme l’Asie avec un sac à dos.

Le voyage à vélo est un rêve pour moi depuis de nombreuses années après avoir lu divers récits de voyageurs cyclistes. C’est un moyen de transport qui permet de parcourir de grandes distances à la force de ses mollets en comparaison de la marche et qui représente un défi physique et mental bien plus important que la moto où il me suffit de tourner la poignée de gaz pour accélérer sans difficultés même si cela demande quand même de la concentration et génère de la fatigue au bout de quelques heures. J’ai déjà fait dans le passé quelques voyages itinérants en vélo mais je ne me sentais pas de le faire sur une aussi longue distance jusqu’au Népal. Ce sera pour un autre voyage. En attendant, bravo Tom et go go go !

On dîne ensemble au camping puis Tom part se coucher tandis que je passe des coups de fil et alimente le blog. Demain je passerai la frontière bulgare pour découvrir un nouveau et dernier pays européen !

Tom le cycliste et moi le motard au départ du camping avant de rejoindre la Bulgarie