Jour 130 (25/1/2023)

C’est parti pour mon premier trajet en train de ce voyage en Inde. Je me lève bien avant le soleil pour ne pas le rater avec un départ à six heures trente. Je trouve assez facilement le quai en demandant à des passants et je constate que les règles de sécurité sont bien loin de nos standards, il y a des familles avec des enfants qui traversent les voies à pied avec leurs bagages pour rejoindre à la dernière minute le train.

Nous partons à l’heure mais on s’arrête plusieurs fois juste après être partis et ces arrêts se répèteront assez souvent. Quelques personnes écoutent de la musique ou regardent un film sans écouteurs, c’est une situation assez identique dans les dortoirs des auberges en Inde, nous n’avons visiblement pas le même rapport au bruit mais globalement cela reste supportable. Cela en devient même comique quand plusieurs passagers parlent en même temps au téléphone, on dirait qu’ils se répondent.

Le train roule doucement mais mon siège est plutôt confortable et j’ai de la place pour les jambes donc je m’occupe en lisant ou en rattrapant mes heures de sommeil de ma courte nuit. Le paysage est brumeux et sans grand intérêt, plat avec le vert des rizières et le jaune du colza comme d’habitude. Il y a des sortes de bidonvilles avec des habitations sommaires à proximité des villes et des voies de chemins de fer comme malheureusement nous en avons des similaires en région parisienne.

Nous passons au-dessus de l’immense fleuve du Gange au niveau de la ville de Kanpur mais je n’ai réalisé qu’après, je crois que mon voisin a fait une sorte de prière à ce moment, de toute façon je reverrai le fleuve plus tard à la ville de Varanasi pour la prochaine étape.

Nous arrivons à la gare de Lucknow avec environ une heure de retard pour un trajet total de sept heures. A peine sorti de la gare, je retrouve le vacarme et la cohue des grandes villes, ma demi-journée dans ma petite bulle du wagon qui n’était finalement pas si bruyant me fait voir et ressentir les choses avec une nouvelle acuité : les rues sont sales, il y a de mauvaises odeurs de moisi quand j’entre dans mon auberge qui est sombre avec des murs décrépits et on doit se faufiler dans des espaces exiguës. Tout cela me rend maussade et je me sens un peu blasé, j’ai déjà envie de repartir mais c’était mon choix de m’arrêter dans cette ville pour éviter les longs trajets de nuit et j’avais choisi un dortoir plutôt qu’une chambre car j’étais plutôt satisfait jusqu’à présent, cela me change du Rajasthan !

Allez, je me motive quand même pour visiter la ville car il est encore tôt. Je commence d’abord par déjeuner avec un plat où deux minuscules cuisses de poulet se battent en duel dans un plat de riz. Ensuite, je marche un peu le long d’une route mais il y a trop de bruit et je remarque des sortes de tuktuks collectifs qui passent sur ce grand axe qui va tout droit dans ma direction. Donc j’arrive à en prendre un qui s’arrête à mon niveau car le chauffeur a deviné mon intention en croisant mon regard interrogatif. Il y a de gros bouchons et tout le monde claxonne mais au moins je suis à l’abri de la pluie qui commence, bref Lucknow ne m’enchante pas.

L’enfer de la circulation dans les villes indiennes

Je règle le tuktuk collectif pour un prix minuscule (environ dix centimes) et je termine à pied pour rejoindre le monument le plus connu de la ville, le Bara Imambara. En empruntant un chemin étroit où des deux roues klaxonnent frénétiquement pour qu’on les laissent passer, je me mets à imaginer plusieurs moyens de coercition de différents niveaux de radicalité qui augmentent à mesure que ma patience diminue en commençant par une loi pour piétonniser certaines rues et en terminant tout simplement par un bon coup de coude dans le casque.

Le palais Bara Imambara est un immense complexe de plusieurs monuments qui a été construit à la fin du dix-huitième siècle sur ordre du nawab de Lucknow (un nawab désigne un riche seigneur indien qui donna le nom de nabab en français car ils vivaient dans l’opulence). L’histoire raconte que l’un des buts de la construction de ce site était également de donner du travail à de nombreuses personnes dans un contexte de grande famine. Donc peut-être que cela explique pourquoi la plupart des immenses salles sont quasiment vides, peu éclairées et peu entretenues.

Néanmoins, l’architecture des monuments est belle, notamment la mosquée dans le style moghol. Le palais est aussi connu pour son labyrinthe de galeries dans les niveaux supérieurs du monument, il y a de multiples passages dans lesquels on peut se promener et quasiment se perdre dans l’obscurité si on n’a pas de lampes.

Vue sur la mosquée et la porte d’entrée depuis le toit du palais

Ensuite, je prends un tuktuk pour me rapprocher du centre mais il s’avère que ce ne sont que des magasins modernes sur une grande avenue sans que je trouve un endroit agréable pour m’y arrêter, un café chaleureux ou un parc. Je regarde les affiches au cinéma, il n’y a qu’un seul film d’action indien et forcément en hindou sans sous-titres donc j’estime en avoir assez vu et je décide d’annuler ma deuxième nuit pour partir dès le lendemain à Varanasi.

De ce pas, je me rends à la gare pour réserver un billet de train mais cela s’avère très laborieux avec des procédures hyper bureaucratisées dignes des Douze travaux d’Asterix avec l’épisode du laisser passer. Je vais dans trois bâtiments différents, je consulte cinq guichets dont deux où j’alterne entre l’un et l’autre pour avoir l’aval du superviseur avec le formulaire que j’ai remplis et tout ça pour au final ne pas avoir de billet réservé. Je suis sur une liste d’attente et il faudra que je demande la confirmation de mon wagon et de mon siège trente minutes avant le départ du train qui est à sept heures du matin… Je me dois quand même de mentionner qu’à chaque fois le personnel a été aimable et a cherché à m’aider et aussi qu’il est possible de réserver en ligne en créant un compte même s’il faut quand même ensuite imprimer son billet à la gare, je pensais que cela aurait été aussi facile que la veille.

Je rentre un peu à reculons dans mon dortoir pour y passer la soirée, je discute un peu avec un voisin de dortoir qui s’en va le soir même puis je monte sur mon lit et je mets à profit mon temps pour le blog. Mon voisin en face de moi est allongé dans son lit, recouvert entièrement par une couverture comme une momie et il regarde un film avec son téléphone, c’est très étrange. De plus, mon matelas est dur et on entend la circulation dans la rue qui est juste à côté : vivement que je parte! Finalement, je suis plutôt content de me lever encore tôt pour partir le plus vite possible en espérant que j’aurais une place dans le train… A suivre !

Bonne nuit…