La ville de Pushkar est très touristique avec une proportion plus importante d’étrangers et il y a beaucoup de magasins de souvenirs et des restaurants proposant des plats de différents pays, sans doute pour les nostalgiques des pizzas, pastas et burgers. J’entends davantage parler français et cette destination semble être prisée par les touristes ou voyageurs au look hippies avec cheveux longs.
La ville de Pushkar entoure un lac avec de larges marches, appelées « ghats », qui permettent aux pèlerins hindous de venir s’immerger dans l’eau du lac qui est considérée comme sacrée.
Je me suis fait avoir la veille au soir par un charlatan en m’approchant des berges par curiosité, fatigué par ma première journée en moto. Il m’avait dit que je devais retirer mes chaussures car c’était un temple et qu’il pouvait me faire visiter. Quand je lui avais indiqué que je n’avais pas besoin de guide il m’avait répondu qu’il était brahmane et qu’il ne demandait pas à être payé. Puis il m’avait invité à venir au bord de l’eau et il m’avait mis de la peinture sur le front. Ensuite, il m’avait attaché un bracelet autour du poignet en me parlant d’une donation pour le temple qui aiderait à faire vivre ses humbles serviteurs, c’est là que j’avais senti le piège se refermer. Il était trop tard pour partir sans rien donner, je mis fin à la cérémonie et je déposai un billet dans un plateau qu’il jugea trop modeste puis je partis.
Donc, désormais je fais attention à où je mets les pieds sur les marches au bord du lac mais c’est difficile de savoir car il n’y a pas de panneaux en anglais, je tâche d’observer les gens. Au bord d’un ghat en milieu de matinée, un groupe d’indiens s’installent sur les marches avec des habits colorés et commencent à faire des ablutions malgré la fraîcheur des températures mais, heureusement, il y a du soleil. Les hommes et les femmes se baignent à moitié dénudés, certains hommes ont également le crâne nu. Malgré la célébrité de ce lieu saint de l’hindouisme, cela reste un endroit paisible en comparaison des autres villes indiennes.
J’essaie de prendre le temps de regarder par mes propres yeux plutôt qu’à travers l’écran de mon téléphone quand je prends des photos. Il y a des vaches également au bord des bassins à qui on donne des graines.
Vaches sur les marches d’un ghat
Ensuite, je visite le temple Brahma de Pushkar qui est un des rares en Inde consacré à ce dieu mais je ne lui trouve pas un grand intérêt, il est petit et sans beaucoup de décorations donc je n’ai pas de regrets de ne pas pouvoir prendre de photographies. Jusqu’à présent, je n’ai pas vraiment ressenti dans les temples hindous la même sensation de spiritualité et de recueillement que j’ai pu avoir dans la plupart des églises, mosquées et des temples sikhs que j’ai visités. Il y a peut-être trop de monde en mouvement et je suis un peu perdu pour le moment avec tous ces dieux dont ce n’est pas toujours évident de cerner leur rôle.
Puis, je pars à moto visiter la ville de Ajmer, située à seulement une dizaine de kilomètres, et que j’avais rapidement traversée la veille. Elle ressemble davantage à une ville indienne standard avec la foule, le bruit et les stands de nourriture et les boutiques plus authentiques. Je découvre un fort construit sous l’empereur moghol Akbar au XVIème siècle pour sa résidence en cas de visite dans la région.
Un panneau explicatif met en avant le personnage historique de Prithviraj Chauhan qui était un roi hindou régnant sur le nord-ouest de l’Inde actuelle et dont la capitale était située dans la ville de Ajmer. Il a résisté au douzième siècle face aux attaques répétées d’un seigneur musulman mais il a été finalement vaincu et il est considéré comme l’un des derniers rois hindous ayant régné sur les territoires de l’Inde avant la domination du sultanat de Delhi puis de l’empire moghol.
Cour intérieure de la ville de Ajmer
Après cette visite, je me balade dans le bazar de Ajmer qui se trouve être également le quartier musulman. Nous sommes vendredi et je tombe par hasard sur une immense prière des fidèles qui installent des tapis dans la rue. Ils sont tellement nombreux qu’il n’est plus possible de passer, même à pied, et il faut faire un détour. Un peu plus loin je retrouve à nouveau de nombreux fidèles priant dans une large rue. La police est présente pour fermer progressivement les rues, tout cela dans une ambiance paisible, je ne ressens pas de tension. Il faut savoir qu’environ seize pour cents de la population indienne est de confession musulmane soit cent soixante-dix millions d’habitants, l’Inde est ainsi le troisième pays au monde en nombre de musulmans après l’Indonésie et le Pakistan!
Prière de rue à Ajmer
Puis, je retourne à Pushkar par la route à lacets qui relie les deux villes voisines en surmontant une colline du haut de laquelle je fais une photo souvenir sur ma nouvelle moto dont je suis très content.
Heureux avec ma Royal Enfield sur les routes du Rajasthan
En me promenant dans les rues de Pushkar, je me rends compte que ce doit être une oasis pour certains touristes étrangers qui en ont assez du bruit et de la nourriture indienne car les rues étroites sont relativement calme et il y a un large choix de restauration occidentale. Je rejoins à pied le sommet d’une colline à proximité de la ville où est situé un temple hindou. Il y a le choix entre des escaliers ou des télécabines, j’opte pour la première option avec une bonne vingtaine de minutes de marche assez raide. L’endroit permet d’avoir une vue panoramique sur la ville et ses alentours mais le temps est légèrement brumeux ce jour là donc je me concentre sur l’observation d’une colonie de singes qui s’est installée sur les hauteurs. Ils sont très mignons avec leurs acrobaties et leurs mimiques, les mamans portent leurs bébés sous leur ventre en se déplaçant et elles inspectent méticuleusement la peau et les poils de leur progéniture pour retirer des insectes.
Vue depuis le temple sur la colline de Pushkar, on voit le chemin de marches sur la photo de droite
Ensuite, je redescends pour me poser sur les marches au bord du lac Pushkar un peu avant le coucher du soleil. Il n’y a quasiment plus personne à part quelques touristes occidentaux venus comme moi contempler le spectacle. Les cerfs-volants sont de retour dans le ciel, c’est un lieu agréable à cette heure de la journée.
Coucher de soleil sur Pushkar, on voit à gauche la colline avec le temple où je suis monté à pied
Forcément, j’offre une cible de choix pour les personnes qui cherchent à soutirer quelques roupies aux touristes et un enfant vient à ma rencontre en me récitant mot pour mot le même discours que les autres rabatteurs adultes avec un sourire enjoué et confiant, j’en suis à la fois amusé et attristé : « Hello sir, where do you come from ? What is your name ? I know a good place if you want to visit… »
De retour à l’auberge, je me rapproche d’un pensionnaire de l’établissement qui s’entraine dans le jardin au maniement de boulets attachés à une corde et qui sont prévus d’être enflammés pour faire un spectacle visuel. Nous entamons la discussion, il s’appelle Andrea, il est italien et il prévoit de rester trois mois en Inde. Je sens qu’il est intéressé par mon voyage lorsque je le lui raconte et, à son tour, il m’explique que lors d’un précédent voyage il a traversé toute l’Eurasie principalement en autostop en passant par les pays dont le nom termine en “stan” (Kazakstan, Ouzbekistan, Tadjikistan…) puis, en traversant la Chine en train et, enfin, il a acheté une moto au nord du Vietnam pour le traverser jusqu’au sud et continuer par le Cambodge jusqu’au Laos : impressionnant !
Je prends le bus en milieu de matinée à la gare routière juste à côté de mon auberge pour rejoindre la ville de Jaipur dans l’Etat du Rajasthan.
Nous quittons progressivement les tentacules brumeuses de New Delhi pour retrouver les nombreux champs de culture verdoyants et plats du nord de l’Inde, il y a peu de surface non utilisée par l’Homme dans cette région. Le ciel est bleu, des collines commencent à apparaître et la température augmente.
Je rejoins ma nouvelle auberge qui est idéalement située à proximité de la gare routière et, aussitôt après avoir déposé mon sac dans le dortoir, j’en profite pour aller admirer la vue depuis la terrasse sur le toit pendant le coucher du soleil. Comme d’habitude dans les villes indiennes que j’ai traversées, les habitants viennent sur le toit des immeubles pour lancer leurs cerfs-volants dans le ciel, il y en a toute une nuée et les gens mettent de la musique, s’interpellent joyeusement d’un toit à l’autre, c’est amusant.
Ensuite, je pars me promener en ville et je décide de me renseigner sur les locations de motos pour visiter le Rajasthan car cela fait un moment que je pense à retourner sur un deux-roues et la visite de cette région s’y prête bien car les lieux importants peuvent être visités en faisant une boucle en partant de Jaipur. Je me décide rapidement pour le choix du loueur de moto dès le premier essai car les gérants m’inspirent confiance, ils ont l’air sérieux en proposant des équipements de protections et en demandant des garanties, de plus, l’établissement a de bons commentaires sur internet. Enfin, la moto correspond à ce que je voulais, une Royal Enfield Bullet 350 et le prix rentre dans mon budget. Donc je réserve la moto pour au moins une semaine à partir du jour d’après.
Puis, je me promène dans la ville un peu au hasard dans les rues du bazar, je prends mon dîner dans une petite gargote et je continue ma marche jusqu’au Palais des Vents qui est un des monuments iconiques de la ville de Jaipur. Je rentre tôt dans la soirée à mon auberge car j’ai toute la journée du lendemain pour visiter la ville et j’en profite pour avancer sur le blog et passer des coups de fils à des proches.
Façade du Palais des Vents
Jour 116 (11/01/2023)
Ce matin, je reprends le chemin en direction du centre de la ville de Jaipur et je passe à nouveau à travers les rues du bazar. La lumière du jour me permet de mieux apprécier la vue sur de très belles maisons avec des couleurs ocres aux tons jaune, orange et rose. La ville de Jaipur a été fondée récemment par rapport aux autres villes indiennes, au milieu du XVIIIème siècle.
Dans les rues proches du bazar de Jaipur
Le temps s’est nettement réchauffé par rapport à New Delhi et je suis à nouveau en t-shirt comme dans le sud du Pakistan et de l’Iran. Je visite l’extérieur d’un temple hindou sur le chemin sans trop savoir si je peux y entrer puis je repasse devant la façade du Palais des Vents qui est magnifique de jour comme de nuit.
Façade du Palais des Vents, de jour
En sortant de la visite d’un temple hindou, je suis sollicité par un groupe de jeunes indiens avec qui je prends au moins une dizaine de photos selfies en groupe ou en individuel. Puis, l’un d’entre eux m’invite à les suivre dans la visite du Palais des Vents. Ils sont gentils mais ils se prennent trop en photos ou vidéos à mon goût, parfois même en passant des appels vidéos en direct à des amis pour faire visiter le monument et me montrer en spectacle. J’ai l’impression d’être mené comme une bête de foire et je sens que ma patience diminue rapidement mais je tâche de rester souriant en me prêtant de moins en moins au jeux des photos souvenirs. Le groupe peut difficilement parler anglais donc cela réduit d’autant les échanges et finalement je suis soulagé lorsqu’ils me disent au revoir. Je suis content de faire des rencontres mais j’ai besoin de me sentir à l’aise avec les personnes, de partager des points communs et là, c’était compliqué de pouvoir communiquer.
Entrée du temple hindou
Ensuite, je visite plusieurs monuments proches les uns des autres dans le centre historique de la ville. Tout d’abord un ancien site d’astronomie pour observer les astres mais aussi un immense cadran solaire qui permet de donner l’heure avec un précision à deux secondes !
Cadran solaire qui permet de déterminer l’heure en fonction de l’ombre projetée sur le repère de la photo de droite par le monument triangulaire que l’on voit à gauche
Puis, je visite le Palais de Ville qui a une belle collection de peintures sur la vie à l’époque du Maharaja et sur l’histoire des dieux hindous mais, malheureusement, il est interdit de prendre des photos. J’en apprends un peu plus sur l’hindouisme et notamment sur la déesse Devi qui a été créée par tous les dieux hindous afin de combattre une armée de démons qu’elle finit par vaincre. Le dieux Krishna pour sa part a eu 16100 femmes et il avait la capacité de se démultiplier. Mais j’ai encore du mal à y voir clair dans la religion hindoue avec les nombreux dieux qui ont parfois plusieurs noms.
Les costumes et les visages de portraits d’époque me font penser au film Indiana Jones et le Temple Maudit, d’ailleurs, le fort d’Amber que je visiterai le lendemain a inspiré certains décors du film. L’architecture et les couleurs du palais ressemblent beaucoup à l’art moghol. Dans une cour intérieure, il y a de magnifiques portes aux décorations et couleurs représentant le paon.
Porte aux couleurs du paon à gauche, sur la photo de droite les tenues des indiennes font partie du spectacle
La ville de Jaipur est très prisée des touristes, en majorité des indiens, sachant que c’est une ville proche de New Delhi mais il y a également beaucoup de touristes étrangers.
La température est douce en ce début d’après-midi, c’est agréable. Je me motive pour rejoindre à pied le fort Nahargarh situé tout en haut d’une colline. On peut y accéder en voiture mais sinon il y a un étroit chemin pavé et sinueux que j’emprunte et qui permet d’avoir une belle vue sur les toits de la ville tout en marchant. D’autres piétons mais aussi, et toujours, des deux roues utilisent ce chemin également.
La vue depuis le fort est belle et il y a quelques jolies décorations dans le palais avec des singes qui se baladent sur les toits. Les murailles s’étalent sur la colline sur de longues distances, cela me parait étrange et je m’interroge sur leur utilité pour couvrir un si large espace. On entend des chants et de la musique venant de la ville et les cerfs-volants commencent à s’élever du haut des toits des habitations.
Fort Nahargarh sur les hauteurs de Jaipur
Je redescends ensuite vers mon auberge et j’assiste à un beau spectacle de ballets de cerfs-volants avec de la musique diffusée par des enceintes et les voisins qui s’interpellent et se chambrent sans doute pour déterminer qui sera le plus habile.
Concours de cerfs-volants sur les toits des immeubles généralement au coucher du soleil
Jour 117 (12/01/2023)
Ce matin, je laisse mon gros sac à dos dans l’auberge et je ne garde qu’un petit sac avec le strict nécessaire pour mon voyage à moto. Je récupère mon véhicule finalement en fin de matinée avec pas mal d’attente pour la préparation de la moto et de l’administratif.
Ma compagne pour les dix prochains jours
Je profite d’être véhiculé pour aller visiter le fort d’Amber situé à quelques kilomètres au nord de la ville puis je repartirai en sens inverse pour rejoindre la ville de Pushkar. J’essaye de ne pas trop trainer car c’est ma première virée à moto en Inde et j’ai environ cent cinquante kilomètres à parcourir pour cette journée donc je préfère avoir de la flexibilité en cas d’imprévus.
Le fort Amber est immense et on peut voir ses murailles qui s’étendent à perte de vue. Il y a beaucoup de monde pour le visiter. On m’indique un parking en hauteur juste en bas des remparts pour accéder ensuite au fort. A l’intérieur, c’est un labyrinthe, le sens de la visite n’est pas toujours bien indiqué et il y a peu d’explications donc je n’y reste pas très longtemps. En plus, j’ai chaud en marchant dans le fort avec ma veste de motard et mon sac sur le dos.
Fort Amber
Jardin intérieur du fort Amber d’où on peut voir au loin une partie des remparts qui s’étendent à perte de vue
Puis, j’enfourche à nouveau mon bolide pour rejoindre la ville de Pushkar avant la tombée de la nuit. Je redécouvre les sensations du voyage en moto avec le corps à l’air libre, la vue panoramique mais aussi je suis plongé en plein cœur de la circulation indienne avec ses bruits, ses véhicules dans tous les sens et de toutes sortes. Surtout en traversant les villes et celle de Jaipur est très fréquentée, il y a des tuktuks, des motos, des piétons et des voitures qui se croisent sans arrêt, je croise même un éléphant en plein milieu de la route ! De plus, je suis obligé de faire des petits arrêts pour vérifier sur mon téléphone la direction car ce n’est pas souvent indiqué en ville donc je suis soulagé quand j’arrive enfin à récupérer la route principale pour rejoindre Pushkar, ce sera plus facile ensuite car les directions sont bien indiquées.
Néanmoins, je galère à fixer mon sac sur le siège arrière avec le cordage que m’a prêté la société de location et je passe pas loin de la catastrophe avec la corde qui casse et mon sac qui est retenu miraculeusement par un bout de corde. Finalement, je fixe mon sac sur un petit porte bagage latéral situé sur la roue arrière à proximité des pédales et cela fonctionne, je garderai cette technique tout le long du voyage.
La route est monotone, plate et sans paysage intéressant mais le revêtement est plutôt en bon état et la circulation fluide donc je roule à une bonne vitesse sans savoir à combien car le compteur ne fonctionne pas tout comme celui du kilométrage. A ma surprise, il n’y a pas de péage pour les motos, il y a un passage étroit dédié sur la gauche qu’il suffit d’emprunter, cela me fera des économies 😊
Je commence à fatiguer sur la fin du trajet sans avoir déjeuner et sans m’arrêter pendant quasiment quatre heures. En arrivant sur la ville de Ajmer au coucher de soleil, la vue est agréable avec le lac et des collines avec quelques bâtiments anciens. Ensuite, je prends une route en lacets dans les collines pour rejoindre Pushkar, c’est très jolie. Je galère un peu pour trouver l’accès à l’auberge dans les petites ruelles et je suis soulagé d’y arriver enfin. Pour le lendemain, je m’octroies déjà une journée de repos sans trop de trajets pour visiter les environs.
Après la matinée dans la ville de Chandigarh puis le trajet en bus, nous arrivons à New Delhi par ses immenses routes tentaculaires et j’aperçois à travers la vitre une montagne de déchets sur laquelle roulent des tractopelles, on est dans une autre dimension.
Mon auberge de jeunesse est située proche de la gare routière donc je peux la rejoindre facilement à pied pour déposer mes affaires dans le dortoir puis je prends le métro afin de rejoindre le centre-ville.
Cette fois-ci, j’ai envie de me boire une bonne bière dans un bar car cela fait longtemps donc je me rends dans un quartier dénommé « Connaught Place » ou en abrégé “CP” où il y en a plusieurs d’après Google. Le quartier est très moderne et plutôt chic avec de nombreux magasins de vêtements de grandes marques et des cafés et restaurants qui ont l’air onéreux avec systématiquement une personne postée à l’entrée pour accueillir et inciter les gens à venir.
Il est encore tôt en soirée donc j’en profite pour me promener un peu plus loin et je découvre quelques temples hindous, l’un d’entre eux attire mon attention car il est très éclairé et je me décide de rentrer à l’intérieur en ayant observé auparavant comment les gens font. Il faut d’abord se déchausser puis on monte des escaliers qui mènent à un hall donnant accès à plusieurs salles avec des différents autels pour remettre des offrandes aux dieux et prier. Les gens passent d’une salle à l’autre en faisant une boucle. Lorsqu’ils remettent des offrandes, une personne leur peint avec un doigt un point sur le front et parfois leur remet un collier de fleurs autour du cou. Il y a des personnes de tous âges: des jeunes, des personnes âgées, des couples et des familles. Dans une salle, il y a un petit quatuor qui chante et joue du tambour. Chaque pièce est richement décorée jusqu’au plafond. Je prends discrètement quelques photos sans trop savoir si j’ai le droit donc elles ne sont pas très bien cadrées.
Temple Hindou dans le centre de New Delhi
Ensuite, je cherche un restaurant afin de faire les choses dans le bon ordre avant de boire de l’alcool et je finis par trouver un restaurant un peu excentré du quartier Central Park qui propose un thali à volonté pour moins de quatre euros. Une fois attablé, on m’apporte le fameux plateau avec les différents récipients qui sont remplis à tour de rôle par une nuée de serveurs tenant chacun environ quatre petites casseroles qu’ils tiennent d’une main à l’aide d’un crochet central. Chacune des casseroles contient un plat différent qui sont servis dans notre plateau à l’aide d’une louche et les serveurs viennent fréquemment vérifier si l’un de nos récipients est vide pour le remplir aussitôt. C’est très bon, à la fois les plats sucrés et salés, et c’est accompagné avec différents types de galettes de pain, du riz et des lentilles. Je sélectionne mes plats préférés pour me resservir, notamment celui à base d’épinards et de fromages mais je finis par supplier d’un air amusé le serveur d’arrêter de me resservir car je sens que j’atteins mes limites.
Le restaurant Thali à volonté
Puis, je fais une petite marche pour repérer des bars sympas mais c’est difficile à évaluer car ils sont généralement sur l’étage supérieur et je ne peux me fier qu’à la porte d’entrée et parfois à la musique qui y est diffusée. Je finis par opter pour un restaurant bar qui accueille un chanteur guitariste. L’ambiance est bonne, le chanteur interprète des chansons en hindi qui sont parfois reprises par des clients enthousiastes. Je fais brièvement la connaissance d’un anglais au comptoir qui a une mission de travail en Inde. Je continue ma tournée de bières dans un autre bar mais qui est quasiment vide alors qu’il est à peine onze heures du soir un vendredi, je rentre donc me coucher à mon auberge.
Jour 112 (07/01/2023)
Aujourd’hui, je décide de partir à pied de l’auberge pour visiter New Delhi en essayant d’aller le plus loin possible. Je commence par me balader dans le quartier du « Old Delhi », il est environ dix heures du matin et la plupart des magasins sont encore fermés ou commencent à peine à ouvrir, les rues sont plus calmes. Je découvre quelques temples hindous sur le chemin sans trop savoir à qui ils sont dédiés et il y a un temple sikh, plus facile à reconnaitre grâce aux turbans sur les têtes des fidèles et le nom du temple qui commence généralement par « guru ».
Devant un parc fermé se trouve la statue de Gandhi qui est en piteux état avec des crottes de pigeons sur le crâne, le pauvre. J’aperçois également des singes qui se baladent tout naturellement sur les toits en tôle des balcons, cela fait bizarre de les voir en liberté dans cette ville immense.
La statue de Gandhi à gauche, les singes sur les toits à droite
Ensuite, je visite le Fort Rouge qui a été construit par les moghols au milieu du XVIIème siècle quand l’empereur Shah Jahan déplaça la capitale de Agra à Delhi. Ce fort a de grandes similitudes architecturales avec celui de Lahore et il possède des bâtiments aux fonctions similaires avec des cours de justice, des palais aux décorations raffinées, des fontaines et de grands jardins. Les hauts remparts avec de larges douves sont impressionnants (voir également la photo de couverture de l’article).
Palais et fontaines du Fort RougeLes murailles impressionnantes du Fort Rouge
Je longe les murs extérieurs du fort vers le sud puis je bifurque à l’est pour rejoindre la Mosquée Jama Masjid qui a été également construite par Shah Jahan après le Fort Rouge et qui a de fortes similitudes architecturales avec la Mosquée Royale Badshahi de Lahore comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessous. Elle est très belle mais celle de Lahore est plus grandiose. Cette fois-ci, dans la cour, il y a des femmes en saris colorés qui ne portent pas toujours le voile.
Mosquée Jama Masjid
Je continue mon chemin à pied en empruntant à la sortie de la mosquée une rue étroite bondée de piétons et de deux roues dans les deux sens, c’est très animé. Il y a beaucoup de restaurants de chaque côté de la rue qui servent des plats de viandes et ils sont remplacés ensuite par des boutiques, notamment de vêtements pour femmes. Nous sommes visiblement dans un quartier musulman au vu des habits que portent les gens et ce lieu me fait penser au Pakistan. Au-dessus des têtes pendent les câbles électriques mais également des sortes de tuyaux qui ressemblent à des lianes.
Comment passer de l’autre côté? Il faut regarder de tous les côtés en marchant calmement.
Puis, je tombe un peu par hasard sur l’ancien fort en ruine Feroz Shah Kotla qui date du XIVème siècle à l’époque du sultanat de Delhi, avant l’empire moghol. Il y a notamment une très ancienne colonne avec des écrits bouddhistes qui date de l’empire Maurya sous le règne de Ashoka au IIIème siècle avant Jésus Christ, dont le territoire couvrait une grande partie de l’Inde et d’autres territoires autour après en avoir conquis aux successeurs de Alexandre le Grand. Il y avait plusieurs piliers de ce type et ils étaient situés sur d’autres sites mais le sultan Feroz Shah ordonna de déplacer cette colonne pour la placer en haut d’une pyramide à trois niveaux qui a été édifiée spécialement pour celle-ci. Cela nécessita de grands moyens techniques et humains.
Cour intérieure du fort Feroz Shah Kotla, à gauche on voit la colonne sur la pyramide
J’ai terminé la partie ancienne de Delhi et désormais je déambule dans de grandes avenues modernes dont une qui dispose de gradins de chaque côté comme lors du défilé militaire du 14 juillet sur les Champs Elysées et elle est bordée par des parcs traversés au milieu par un bassin. Au bout de cette avenue se situe la « India Gate », Porte de l’Inde, que je découvrirai le lendemain. La balade devient moins intéressante, je longe de grandes demeures officielles ultra sécurisées pour rejoindre une place avec des magasin et des cafés.
C’est là que j’ai rendez-vous avec une indienne vivant à New Delhi, dénommée Raags, pour prendre un thé avec une pâtisserie. Nous avons pris contact via une application qui me permet parfois de faire des rencontres quand je reste plusieurs jours dans une ville. Raags a la trentaine et travaille en tant que « freelance » pour écrire du contenu pour de grandes marques mais je ne saurais pas en dire plus car nous n’avons pas beaucoup discuté de nos professions, plutôt de nos vies personnelles. Un sujet que nous avons évoqué est l’utilisation de la langue anglaise en Inde qui, d’après Raags, devient dominante chez les jeunes à leur travail, même les discussions entre eux ou quand ils regardent un film ou une série sur les plateformes de streaming plutôt qu’à la télé. Ils n’écrivent quasiment plus en hindi depuis la fin de l’école et ils parlent le hindi seulement avec leurs parents et les serveurs dans les restaurants ou les chauffeurs de taxi. Néanmoins, après une dizaine de jours passés en Inde, il me semble que ce phénomène est sans doute limité à une classe moyenne ou supérieure car je vois encore beaucoup de monde qui parlent hindi ou la langue régionale entre eux, même chez les jeunes. Bien qu’il y ait une proportion importante de personnes qui parlent plutôt bien anglais en Inde, je pense que ce n’est pas suffisant pour qu’ils puissent exprimer pleinement leur pensée, à confirmer pendant la suite du voyage. Mais c’est sûr que l’anglais aide les indiens à communiquer car j’ai déjà pu voir des indiens du nord dont la langue maternelle est le hindi devoir parler en anglais avec des indiens du sud parlant le tamoul (et il y a beaucoup d’autres langues régionales en Inde: il y a en tout 234 langues maternelles en Inde!).
Ensuite, nous allons prendre un chocolat chaud dans un autre café au milieu d’un grand et beau parc avec les illuminations pendant la nuit et des monuments de l’époque moghol. Il y a un concert dans le parc en même temps. Raags reçoit un coup de fil de ses parents chez qui elle habite car ils s’inquiètent de l’heure tardive selon eux (vingt-deux heures…) donc il est temps de rentrer chacun de son côté. Sur le chemin du retour, je fais une pause dans un café sur le toit d’un immeuble qui offre une belle vue sur la Mosquée Jama Masjid.
Vue d’un café sur la Mosquée Jama Masjid
Jour 113 (08/01/2023)
Le matin est brumeux donc j’en profite pour m’enfermer dans le Musée National de New Delhi qui me permet d’en apprendre davantage sur l’Histoire de l’Inde que j’avais commencé à découvrir au Pakistan avec leur longue histoire commune. Une section est dédiée à la civilisation Harappa, ou appelée également civilisation de l’Indus dont j’avais pu voir les vestiges au Mohenjo Daro et qui date du troisième millénaire avant JC (j’avais noté 5000 ans pendant la visite du site mais j’ai sans doute mal entendu). Cette civilisation était parmi les plus avancées de l’époque en parallèle des civilisations égyptiennes, mésopotamiennes et chinoises. Des objets assez similaires à ceux que j’ai vu au Pakistan sont exposés.
Ensuite, il y a une rapide présentation de l’empire Maurya qui occupait une grande partie de l’Inde actuelle au IIIème siècle avant JC puis il y eu les Shunga et d’autres avec principalement des sculptures de ces époques mais je trouve qu’il n’y a pas assez d’explications et de cartes pour présenter les différentes périodes de l’histoire indienne.
La section avec des statues en bronze des nombreux dieux et déesses hindous avec des styles différents suivant les régions d’Inde est plus intéressante. Je constate dans ces oeuvres la mise en avant des corps souvent à moitié dénudés et dans des poses agiles, en dansant, et avec des mines généralement joyeuses, souriantes.
Statues en bronze de dieux hindous
Une autre section qui m’a plu est dédiée aux peintures bouddhistes d’Asie centrale réalisées sur de la soie, je les trouve bien décorées et avec un style différent de ce que j’ai l’habitude de voir.
Peintures sur soie d’Peintures sur soie d’Asie Centrale, Chine
Puis, une autre galerie est dédiée aux cultures tribales indiennes avec de nombreux costumes, instruments de musique et sculptures en bois qui me font penser au musée du quai Branly mais, là encore, cela manque d’explications à mon goût.
Œuvres de tribus ancestrales indiennes
Donc, globalement, je trouve que c’est un musée intéressant mais il manque quand même de larges pans de l’histoire indienne, notamment pour des périodes plus récentes.
Ensuite, je me rends à l’India Gate qui est située à proximité et qui est une sorte d’Arc de Triomphe au milieu d’une grande place qui est remplie de monde en ce dimanche alors que le soleil réapparait.
India gate
Des panneaux explicatifs présentent la vie du leader indépendantiste indien Subhas Chandra Bose qui s’est pleinement investi tout au long de la première moitié du XXème siècle pour initier une lutte armée contre l’empire britannique afin d’obtenir la libération de l’Inde plutôt que des moyens pacifistes comme préconisés par Gandhi. Il a créé l’INA, India National Army avec l’appui des ennemis de l’Angleterre à cette époque : l’Allemagne et le Japon, pour constituer une armée avec les prisonniers de guerre indiens et tenter de reconquérir des territoires indiens. Il est mort dans un accident d’avion peu de temps avant la fin de la seconde guerre mondiale. On voit là deux visions différentes des moyens pour obtenir l’indépendance de l’Inde et il y en avait de multiples à cette époque comme je le découvre dans la biographie de Gandhi. Ces différences d’opinions existent encore et c’est probablement l’objectif du chef de gouvernement en poste actuellement d’avoir érigé cette statue en l’honneur de ce leader indépendantiste afin de mettre en valeur ses idées pour valider l’orientation de la politique actuelle ou future.
A ce moment, une petite délégation arrive pour se prendre en photo devant la statue avec quelques militaires et une personne en costume qui semble importante au vu de la foule qui s’amasse autour de lui lorsque la délégation essaye de retourner à leur véhicule. Il semble que c’est un ministre et il se prête quelques temps à des séances de photos avec les passants mais c’est très difficile de l’apercevoir au milieu de cette nuée de personnes avec les téléphones portables en l’air. Cela m’amuse et d’ailleurs l’ambiance reste détendue, les militaires ouvrent calmement la voie pour rejoindre la voiture et ils finissent par s’en aller.
Séance de selfies d’un ministre indien devant la statue de Bose et au milieu d’une nuée de personnes
Le déjeuner prévu initialement avec Raags est annulé car sa famille reçoit des invités et elle se doit d’être présente donc je continue de marcher dans Delhi mais sans vraiment d’objectif, si ce n’est de rejoindre le quartier “CP” afin de peut-être y prendre un thé plus tard avec Raags après son déjeuner. Sur ma route, je croise par hasard une manifestation qui se trouve être la « gay pride » de New Delhi, c’est la première manifestation que je vois depuis longtemps, elle est festive avec beaucoup de jeunes qui chantent et dansent, encadrés par un dispositif de sécurité mais sans être excessif. L’ambiance est bonne et je me fais la réflexion que le fait de permettre l’organisation d’une telle manifestation sur ce thème et dans ces conditions est bien la marque d’un pays démocratique même si je me doute que ce n’est pas parfait. Les manifestant scandent souvent le mot « azadi » qui signifie liberté.
Gay pride à New Delhi
Une fois arrivé au quartier “CP”, Raags ne pouvant me rejoindre, je me fais plaisir en allant dans un bon restaurant avec une cour intérieure à l’abri du bruit puis je vais au cinéma pour voir un film de Hollywood, « Avatar 2 », qui est projeté en anglais avec les sous-titres. Le film est divertissant, il me donne envie de redécouvrir la vie sous-marine bien que je trouve le scénario un peu simpliste et la deuxième partie moins intéressante. Je me rattraperai une prochaine fois pour voir un film de Bollywood 🙂
Jour 114 (09/01/2023)
Je décide de rester un jour de plus à New Delhi, initialement pour obtenir quelques informations sur des visas mais cela ne sera pas utile donc je marche ensuite dans de nouveaux quartiers et je commence par la visite d’un temple sikh, qui est toujours une valeur sûre pour passer un moment agréable sans être importuné. En effet, depuis que je suis à New Delhi, je me fais souvent interpellé dans la rue par des chauffeurs de tuktuks, des cireurs de chaussures, des vendeurs en tout genre…, cela devient usant et je perds parfois patience en répondant froidement ou pas du tout sans regarder mon interlocuteur.
Je découvre également une cathédrale qui est grande et bien entretenue avec un arbre de Noël et une grande crèche à l’extérieur.
Le temple sikh à gauche, la cathédrale à droite
Ensuite, je rejoins le temple hindou Birla Mandir qui fut inauguré par Gandhi en 1938. Pour y entrer, il faut se déchausser et laisser son téléphone dans un casier car les photos sont interdites. Pour le moment, c’est le plus grand temple hindou que j’ai vu, à l’intérieur cela ressemble à un grand palais avec un hall entouré de colonnes supportant un cadre orné de sculptures. Il y a beaucoup d’images d’éléphants et aussi des différents dieux hindous, le svastika est également souvent représenté, cela fait bizarre car en tant qu’européen cela me fait penser forcément à une période bien sombre de notre Histoire. Il y a également un jardin à l’arrière du temple où l’on peut se promener et qui permet d’avoir une vue avec plus de recul sur le temple.
Le temple hindou Birla Mandir
Puis, je continue ma marche en visant une grande place sur la carte avec des monuments et des jardins mais ce sont des bâtiments officiels tels que le parlement et le siège du gouvernement et tous les accès sont interdits largement en amont. Il y a également de grands bâtiments pour les médias et la banque centrale qui est immense, forcément ils sont aux dimensions d’un pays d’un milliard et quatre cent millions d’habitants…
Cette fois-ci, j’ai l’impression d’avoir fait le tour de la ville et la marche commence à me fatiguer donc je rentre me reposer à l’auberge puis j’essaye de rattraper le retard sur mon blog et je passe quelques coups de fils à des proches.
En début de soirée, je pars dîner dans le quartier du Old Delhi et je passe par hasard devant un temple hindou Shri Gauri Shankar Mandir où de nombreuses personnes se sont rassemblées pour chanter assis par terre ou debout à l’entrée du temple. L’ambiance est dynamique, voir exaltée, parfois même les fidèles paraissent en état de transe avec le rythme des tambours qui s’accélère, cela me change de l’image paisible de l’hindouisme que j’avais. Il y a beaucoup de jeunes hommes mais aussi quelques femmes, ils ont des peintures sur le front avec généralement des traits blancs horizontaux et un point rouge au milieu avec du orange. Je reste à les écouter et les observer une bonne vingtaine de minutes, ils ont de nombreux chants, c’est très vivant.
Chants devant un temple hindou
Ensuite je rentre à mon auberge en métro, demain je partirai pour une nouvelle aventure au Rajasthan, à suivre !
Je quitte mon auberge à pied le matin par un temps brumeux pour rejoindre la gare routière d’Amritsar. Je n’ai pas réservé de bus mais le gérant de l’hôtel m’a indiqué qu’il y en a souvent et, effectivement, j’attends moins de quarante minutes pour monter dans un bus pour la ville de Chandigarh qui sera une simple étape d’une nuit sur la route de New Delhi. Lors de ma marche, j’ai pu constater une nouvelle fois que les vaches sont libres de se promener en ville et je croise aussi une famille de porcs avec leur gardien qui fouillent dans les détritus laissés à l’air libre, spectacle peu réjouissant.
Dans une rue de Amritsar
Le trajet en bus se passe bien, les sièges sont confortables et spacieux mais le temps reste brumeux donc je ne vois pas grand-chose si ce n’est que le paysage reste plat et verdoyant comme le long de l’Indus, j’observe notamment des cannes à sucre. Le chauffeur claxonne comme au Pakistan mais je parviens quand même à me laisser absorber par la lecture de la biographie de Gandhi de Jacques Attali qui est très intéressante pour mieux comprendre l’Histoire de ce grand personnage et de son pays qui sont étroitement liées.
J’arrive en début d’après-midi à la gare routière de Chandigarh qui est une ville récente, construite après la partition pour devenir la capitale de l’Etat du Pendjab indien pour remplacer Lahore qui fait partie du territoire pakistanais. Le plan d’urbanisme a été confié au célèbre architecte français Le Corbusier et la ville est quadrillée en secteurs rectangulaires qui ont chacun un numéro comme dans la ville de Islamabad et il y a de grands parcs au centre.
Le quadrillage de la ville en numéros de secteurs me facilite la tâche pour m’orienter et je trouve assez facilement un bus, électrique, pour m’emmener à proximité de mon hôtel. Je marche une petite demi-heure avec mon sac sur la fin du trajet à côté de grandes avenues bordées de belles villas avec parfois de larges pistes cyclables mais il y a souvent de hauts murs qui cachent la vue donc mon trajet à pied n’est pas très intéressant dans cette partie de la ville. Pour le retour, je tâcherai de passer par les parcs.
Je dépose mon sac à l’hôtel puis je pars à pied découvrir mon quartier qui est plus ancien et situé en périphérie de la nouvelle ville. Encore une fois, je vois des vaches se balader librement dans les rues, c’est amusant, il y en a même une qui se plante devant une épicerie comme si elle allait faire ses courses.
La vie citadine des vaches indiennes
Je me balade dans des quartiers résidentiels avec parfois de belles villas mais, surtout, je remarque encore une fois de belles motos de la marque indienne (anciennement anglaise) Royal Enfield. Je les repère au loin au bruit qu’elles émettent et leurs belles silhouettes rétros me donnent envie d’en essayer une, qui sait, peut-être me laisserais-je tenter ?
Les Royal Enfield (Bullet Electra 350cc à gauche et Classic 500cc à droite)
Dans la rue, je croise plusieurs habitants dont les traits du visage sont semblables aux asiatiques, la Chine n’est plus très loin.
Je rentre au coucher du soleil pour dîner à l’hôtel puis je reste tranquillement dans ma chambre à passer des appels, regarder des vidéos et continuer évidemment sur mon blog.
Début du jour 111 (06/01/2023)
Je quitte mon hôtel le matin sans avoir pris de petit déjeuner, je le prendrai sur le chemin pour faire une pause avec mon lourd sac à dos. Cette fois-ci, je traverse la ville nouvelle de Chandigarh par ses grands parcs situés au milieu de la ville et c’est bien plus agréable. Il y a moins de bruit, de la verdure et peu de monde à cette heure matinale en début de semaine. Je croise même sur le chemin une réplique miniature de la Tour Eiffel et je ne peux m’empêcher de faire une photo souvenir.
Ballade à pied dans Chandigarh
Ensuite, je prends mon petit déjeuner dans un parc de roses et de malheureux jeunes hommes avec leurs appareils photos munis de grands objectifs tentent désespérément de me faire prendre en photo alors que le temps est brumeux et qu’il n’y a pas grand monde.
Parc aux roses de Chandigarh
Puis, je récupère assez facilement un bus de ville pour m’emmener à la gare routière et je trouve un bus qui part pour New Delhi peu de temps après mais, cette fois-ci, il y a beaucoup moins de place pour s’assoir et il n’y a pas de soutes donc tous les bagages sont entreposés au sol ou dans les couloirs. J’arrive quand même à me positionner stratégiquement sur le côté couloir afin de pouvoir au moins étendre mes jambes et le trajet d’environ cinq heures de route se passe relativement bien, toujours en lisant la biographie de Gandhi.
Nouveau type de bus indien un peu plus serrés!
La suite sera pour découvrir la capitale de l’Inde !
Après la cérémonie du baisser de drapeau à la frontière Wagah, je prends donc un tuktuk pour rejoindre la ville de Amritsar qui est située à seulement une trentaine de kilomètres.
Le temps est brumeux et il fait froid à la tombée de la nuit. Contrairement à mon arrivée au Pakistan, je ne suis pas très dépaysé en Inde car il y a beaucoup de similitudes avec le Pakistan, à commencer par la circulation routière dense et bruyante avec une multitude de tuktuks.
Le chauffeur me dépose dans le centre de Amritsar et je termine à pied pour rejoindre mon auberge. Il y a de beaux monuments bien entretenus et éclairés le soir et il y a de larges avenues semi piétonnes bien pavées dans l’ultra centre, ce qui me change pour le coup du Pakistan.
Je m’installe dans mon dortoir puis, sur les indications du gérant de l’auberge, je pars changer mes euros en roupies indiennes et ensuite je trouve un petit restaurant indien servant des plats traditionnels, ce sera ma première dégustation de nourriture indienne car mon déjeuner à la frontière était très frugal avec un plat de nouilles chinoises. J’opte pour un plat dénommé Thali qui consiste en un plateau avec plusieurs compartiments dans lesquels sont servis différents plats indiens à base de légumes et de fromages et il y a des galettes de pains et du riz en accompagnement. C’est très bon, je suis repu et je rentre me reposer à mon hébergement pour la nuit.
Mon premier Thali en Inde
L’auberge a un espace commun et je m’y installe pour consulter mes messages et continuer l’écriture du blog. Je fais la rencontre d’un indien trentenaire comme moi qui est venu passer quelques jours dans la région pour visiter. Il a acheté une bouteille de whiskey anglais et il m’en offre un verre. Cela faisait longtemps que je n’avais pas bu de l’alcool donc je recommence avec modération 🙂
Mon interlocuteur, dont j’ai oublié le nom, est un architecte passionné et cultivé, nous discutons de l’Inde, de son Histoire et de sa géographie, des religions, c’est très intéressant. J’ai hâte d’en apprendre davantage sur ce pays, il y a tellement de choses à connaitre !
Jour 108 (03/01/2023)
Ce matin, le temps est encore brumeux donc je décide de commencer par le Musée de la Partition qui décrit le contexte puis les évènements qui ont engendré la fin de l’empire britannique des Indes en août 1947 et sa scission en deux états indépendants sur des bases religieuses : l’Inde pour la majorité hindou et le Pakistan pour la minorité musulmane.
Malheureusement, ces changements radicaux mis en place de manière abrupte et dans un contexte de fortes tensions interreligieuses ont entrainé l’exil d’environ dix-huit millions de personnes entre les deux nouveaux Etats et la mort d’un million d’entre eux dans les quelques mois après la partition.
Le musée présente de manière claire et documentée l’enchainement des évènements dans différentes salles bien aménagées et le sujet m’intéresse beaucoup car il fait le lien entre l’Histoire du Pakistan et celle de l’Inde pour mieux se rendre compte de l’ampleur de ces changements sachant que la majorité des flux migratoires eurent lieu sur la route qui relie les villes de Lahore et de Amritsar que je viens de parcourir. Voici quelques éléments que j’ai retenus.
Au début du XIXème siècle, la compagnie anglaise des Indes de l’Est prit peu à peu l’ascendant sur l’empire moghol et dirigea de facto de nombreuses régions importantes comme le Bengale, le Pendjab, le Sindh et le long des côtes stratégiques. Cette compagnie s’appuyait également sur le soutien des états princiers tel que le Rajasthan pour dominer tout le territoire indien. Puis, la couronne anglaise pris le pouvoir sur ces territoires au milieu du XIXème siècle après des révoltes durement réprimées par la compagnie des Indes et la montée en puissance de cette organisation qui devenait un état dans l’état.
Dans les explications du musée, il est fait le reproche aux britanniques d’avoir utilisé la technique de diviser pour mieux régner entre les hindous et les musulmans et d’accaparer les richesses et le pouvoir sans partage avec les indiens. En constatant le peu d’avancées positives dans ces domaines après des décennies de luttes et de réclamations, les indiens finirent par déclarer leur volonté d’un état indépendant au début des années Trente.
Cependant, il est apparu des dissensions internes au mouvement d’indépendance indien et, peu à peu, il est devenu impossible de former un gouvernement d’union nationale entre les hindous et les musulmans, la partition semblait inévitable et était principalement réclamée par les musulmans afin de ne pas avoir à subir les décisions de la majorité hindou qui seraient parfois en contradiction avec leurs valeurs.
Mais, l’une des principales problématiques était que ces communautés partageaient ensemble de nombreux territoires comme les états du Pendjab et du Bengale qui seraient au centre des négociations pour la définition des frontières des futures états sachant qu’il y avait d’autres communautés religieuses concernées, notamment les sikhs qui étaient très présents dans le nord du Pakistan actuel avec de nombreux sites religieux. Ces derniers choisirent d’émigrer en Inde car ils se sentaient plus proches des hindous.
Finalement, un accord fut trouvé pour la partition de l’empire des Indes entre les responsables hindous, musulmans et sikhs sous la supervision anglaise avec le dernier vice-roi des Indes, lord Mountbatten, et cet accord fut également soumis au vote dans les régions qui seraient divisées comme le Pendjab et le Bengale.
Visiblement, la décision de la partition a été prise dans la précipitation après des années de combats et de résistance sans grandes avancées, le tracé des frontières a été rendu difficile avec le peu de temps disponible et le manque de consensus. La difficulté de la tâche était également accentuée du fait de la répartition des communautés sur tout le territoire avec parfois des enclaves musulmanes au milieu d’une région à dominance hindou et inversement.
Le tracé des frontières a été réalisé par Cyril Radcliffe, nommé par lord Mountbatten qui ne disposait que de quelques semaines pour réaliser ce travail alors qu’il n’avait jamais été en Inde ! C’était un choix délibéré de Mountbatten pour qu’il n’y ait pas d’accusations de favoritisme envers une communauté religieuse. Par ailleurs, il y avait deux représentants hindous et deux représentants musulmans pour travailler avec Radcliffe mais ils étaient en désaccord donc la décision, et par conséquent la responsabilité, revint finalement à Radcliffe. Pour parachever le tout, les cartes étaient parfois datées et la commission des frontières manquait de données fiables sur les populations locales, notamment leur appartenance religieuse donc ce fut une mission impossible pour des enjeux colossaux. Petite parenthèse à ma modeste échelle, j’ai pu constater ce type de situation dans mon ancienne expérience professionnelle où, parfois, de nombreux projets étaient étudiés pendant des mois, voire des années et, au final, on prenait des décisions dans l’urgence et sans préparation suite à des orientations stratégiques précipitées.
L’indépendance de l’Inde et du Pakistan eut lieu à la mi-août 1947 et fut le début de l’exode massif de chaque côté des nouvelles frontières, en plein été avec les pluies de la mousson donc ces conditions furent propices au développement de nombreuses maladies. Le train fut beaucoup utilisé, bien au-delà de ses capacités maximales avec des passagers sur le toit des trains et des wagons bondés. Malheureusement, de nombreuses personnes décédèrent dans ces trains sur de longs trajets avec très peu d’eau, de nourriture et d’espace.
Il y eu également de nombreux massacres, les femmes notamment qui étaient victimes de viols, de kidnapping et qui étaient parfois poussées au suicide pour éviter le déshonneur sous l’influence des traditions ancestrales.
De plus, les nouveaux Etats n’avaient pas eu le temps de s’organiser et tous les domaines étaient affectés par la partition et l’exode : l’armée, la police, la médecine donc la désorganisation de ces secteurs clés ne permis pas de faire face efficacement à cette situation.
La partition était appliquée dans tous les domaines, y compris les œuvres d’art, avec même un collier datant du Néolithique qui fut découpé en deux pour chaque Etat.
Ce musée fut très intéressant, il est bien documenté et bien aménagé et il y avait de nombreux touristes indiens. Il me fait penser au musée de la sécession à Washington qui décrit bien également une situation qui a quelques similitudes avec notamment une lutte fratricide incarnée par des leaders charismatiques de chaque côté.
En sortant dehors, le temps est toujours brumeux. L’indien qui m’avait offert un verre la veille à l’auberge m’avait expliqué que c’était fréquent dans cette région en hiver en raison de la présence de nombreux cours d’eau et de rivières avec les différences de température que cela engendre. En effet, Pendjab vient des mots perses panj qui signifie cinq et ab qui signifie eau car il s’y écoule cinq rivières alimentant le fleuve Indus.
Je rentre dans l’enceinte d’un temple sikh situé à proximité du musée après avoir m’être déchaussé, m’être lavé les mains et trempé les pieds dans un bassin ainsi qu’en couvrant ma tête sur les indications d’une pratiquante.
La ville de Amritsar a été fondée par les sikhs au seizième siècle et il y a de nombreux temple de leur communauté religieuse dont le Temple d’Or qui est le plus connu. Je fais la visite du temple en étant accompagné par une personne de la communauté comme à Peshawar et ils m’offrent un petit plat sucré à manger.
Le temple sikh à proximité du musée de la partition
Puis, je retourne me promener dans la ville. Je suis moins dépaysé après mon séjour au Pakistan car il y a beaucoup de similitudes : les tuktuks, la densité de population, les nombreux stands de nourriture dans la rue, les câbles électriques qui pendent en l’air, les vêtements colorés même si les hommes sont désormais souvent habillés à l’occidentale avec parfois un turban sikh sur la tête et, comme je l’ai déjà indiqué à la frontière, la majorité des femmes ne sont pas voilées. Dans les différences que je remarque, il y a des tuktuks tirés par un vélo et aussi électriques, les motos ont également de plus grosses cylindrées, je ne vois plus de beaux camions décorés comme au Pakistan et il y a moins de personnes qui jouent aux crickets dans des parcs. Par contre, je suis moins gêné par la barrière de la langue car davantage de personnes parlent anglais donc c’est plus facile pour communiquer.
Quelques rues de Amritsar avec un bouchon à droite
Ensuite, je me dirige vers le Temple d’Or situé en plein centre de la ville et je rentre dans l’enceinte après m’être déchaussé, lavé les pieds et les mains et en gardant mon bonnet sur la tête. Il y a beaucoup de monde mais on peut y entrer facilement car les portes sont larges et il y a beaucoup de personnel sikh en charge du lieu. L’entrée est gratuite tout comme le service de conciergerie pour les chaussures. Après avoir passé la grande porte, on entre dans une cour intérieure avec un large bassin qui occupe la majorité de l’espace. Au milieu se situe le fameux Temple d’Or auquel on accède par une passerelle. La foule est nombreuse pour le visiter, trop pour ma patience et je préfère pour le moment visiter le musée dans l’enceinte du temple sikh. Il y a beaucoup de tableaux présentant de nombreuses batailles auxquelles ont participé les sikhs qui sont reconnus pour leur valeur au combat, encore aujourd’hui car ils sont nombreux dans les forces armées indiennes. Il y a aussi des peintures très réalistes d’affreuses scènes de tortures de chefs sikhs refusant de se convertir à l’islam sous le règne moghol et quelques scènes d’enseignement des valeurs de la religion sikh par ses principaux chefs spirituels.
Le fondateur de la religion sikh, nommé Guru Nanak, a fait de nombreux voyages en Inde au quinzième siècle accompagné d’un barde musicien musulman pour enseigner ses principes et notamment trois valeurs fondamentales : prier leur unique Dieu, travailler dure et vivre courageusement, partager sa nourriture et ses revenus. Il s’est également opposé à la tradition du sati en Inde qui consiste en l’immolation des femmes veuves après le décès de leur mari.
Le mot Sikh signifie disciple et il était utilisé pour nommer les personnes qui suivaient les enseignements de Guru Nanak. Il y eu ensuite neuf autres gourous fondateurs du sikhisme. Les hommes ne doivent pas se couper les cheveux qu’ils enroulent autour d’un turban qui contient également un peigne, synonyme de propreté, et un poignard, synonyme de courage. Guru Nanak et ses successeurs ont également développé l’utilisation de bassins d’eau auxquels ils attribuent des pouvoirs curatifs.
Le site du Temple d’Or des sikhs est immense, il a plusieurs bâtiments avec aussi des jardins. En suivant la foule, je me retrouve dans une immense cantine où l’on nous distribue un plateau, un verre et une cuillère et nous nous installons au sol sur un tapis dans une immense salle, les uns à côté des autres. En quelques minutes, des personnes viennent nous servir de la nourriture à l’aide de grandes louches et nous donnent du pain et de l’eau, tout cela gratuitement sans rien nous demander en retour. La salle est bientôt remplie d’une centaine de personnes sachant qu’il y en a autant dans l’étage au-dessous et que le service a lieu tous les jours et à toute heure, c’est impressionnant. J’hésite un peu à manger par rapport à l’hygiène mais cela a l’air propre donc je prends mon repas comme les autres en évitant l’eau et en laissant un peu d’une sorte de porridge. Lorsque nous avons finis, nous laissons notre place pour d’autres visiteurs et nous déposons nos couverts et le plateau à la sortie, dans un concert de vaisselles qui s’entrechoquent et de jets d’eau. Il n’y a eu quasiment aucun temps d’attente et je suis resté probablement une quinzaine de minutes en tout, le personnel sikh est très motivé et bien organisé.
La cantine géante du Temple d’Or, ouverte 24h/24, 7j/7
Je continue la visite du temple en faisant le tour du bassin mais je ne m’attarde pas trop car il fait froid avec la brume, surtout en étant pieds nus ! J’y reviendrai demain en espérant qu’il fera plus beau.
Le Temple d’Or dans la brume, un garde sikh avec sa lance à droite
Le soir, je n’ai pas besoin de dîner avec le repas du temple et je me concentre sur la rédaction du blog pour finaliser le dernier article du Pakistan puis je retrouve mon voisin de chambrée indien qui m’offre un nouveau verre de whiskey et nous poursuivons la discussion de la veille.
Jour 109 (04/01/2023)
Je commence la journée en allant faire recoudre mes deux uniques pantalons qui ont fini par craquer à différents endroits à cause de mes marches répétées. Je vais dans une rue sur les conseils du gérant de l’auberge mais j’ai un doute en arrivant car je vois des personnes installées par terre avec des friperies sur un tapis et une modeste machine à coudre. Je m’attendais à des boutiques ou à des ateliers un peu plus officiels donc je tourne autour en espérant trouver un endroit qui m’inspire davantage confiance. Finalement, lorsque je demande à un magasin de vêtements s’ils font ce type de réparation, ils me désignent le même endroit dans la rue que j’avais vu en arrivant donc je finis par y retourner. J’observe un peu de loin les personnes pour choisir celle qui semble la plus fiable puis je lui présente mon premier pantalon troué. Il l’examine de différents côtés puis il se lance dans la couture avec sa machine et je trouve le résultat plutôt bon, ça a l’air assez résistant et c’est peu visible. Donc je pars me changer à l’abris des regards pour lui donner mon deuxième pantalon troué que j’avais sur moi. Je montre à l’artisan le trou et mes poches trouées et il s’exécute à nouveau avec application et célérité. Je suis satisfait et soulagé d’avoir pu trouver facilement quelqu’un pour les recoudre et cela pour un prix modique, à peine cinquante centimes, car je ne me voyais pas le faire moi-même.
L’atelier de couture en plein air avec mon artisan chef qui s’occupe de mon premier pantalon à gauche
Ensuite, je me dirige à pied vers le fort Qila Gobindgarh qui a été construit par les sikhs et qui était une place stratégique notamment pendant la période où ils régnaient sur un Etat indépendant au début du XIXème siècle. D’ailleurs, j’appris à ce sujet que les sikhs avaient recruté d’anciens officiers de l’armée de Napoléon pour les aider à réorganiser leur armée, notamment Jean-François Allard qui était capitaine dans la Grande Armée et qui fut nommée général dans l’armée du Maharaja sikh.
Les enceintes du fort sont en bon état et il y a de larges douves avec des ponts pour accéder aux différents lieux mais sinon il y a peu d’objets ou de mobiliers d’intérêts.
Le fort sikh Qila Gobindgarh
Puis je continue mon chemin à pied en déclinant gentiment les offres de service de nombreux chauffeurs de tuktuk qui attendent aux lieux touristiques. Je préfère me déplacer par moi-même après les fréquents trajets effectués en taxi avec un guide au Pakistan, je veux retrouver de l’autonomie.
Mon cheminement me mène à un temple hindou qui ressemble aux temples sikhs avec un bassin au milieu duquel se trouve un temple doré que l’on accède par une passerelle. Mais cette fois-ci il n’est pas nécessaire de se couvrir la tête. Les fidèles font des offrandes dans le temple et des prières notamment en s’inclinant lorsqu’ils passent une porte.
Temple hindou que l’on accède via une passerelle sur un bassin comme le Temple d’Or
Ensuite, je retourne au Temple d’Or car le ciel s’éclaircit et, en effet, le spectacle est encore plus beau avec la lumière du soleil qui illumine les dorures du temple et met en valeur le blanc immaculé des bâtiments autour. Des gens se reposent au sol sur des tapis, parfois même ils dorment et je les comprends car ce lieu est très paisible malgré les nombreux visiteurs qui le fréquentent. Les gens ne parlent pas trop fort et il y a de beaux chants religieux accompagnés par de petits tambours qui sont diffusés par les enceintes.
Des hommes s’avancent dans l’eau, vêtus uniquement de leur caleçon et en gardant leur turban sur la tête puis ils s’immergent plusieurs fois dans l’eau, il me semble qu’ils en boivent même un peu. Il y a également des petits bâtiments réservés aux femmes pour qu’elles soient à l’abri des regards.
Le Temple d’Or d’Amritsar sous le soleil avec un homme Sikh qui s’immerge dans l’eau
Il y a également autour du bassin des sortes de reliques d’anciens gourous ou de célèbres sikhs auxquels les pratiquants de la religion rendent hommage.
Prières devant une relique sikh
Les jardins sont désormais plus agréables en couleur grâce à la lumière du soleil qui met en valeur les nombreuses fleurs.
Les jardins du Temple d’Or
La foule qui visite le Temple d’Or situé dans l’enceinte au milieu du bassin est encore plus nombreuse et, pour ma part, je préfère me poser au bord du bassin avec les rayons du soleil qui me réchauffent en contemplant ce spectacle magnifique dans une ambiance paisible. C’est très agréable et cette fois-ci je prends le temps de bien m’imprégner des lieux en contemplant les différents monuments, en observant les gens et même les poissons qui nagent à proximité. La ville de Amritsar est un très bon point de départ pour découvrir l’Inde.
Le Temple d’Or d’un autre point de vue avec les nombreux bâtiments du site autour
Ensuite, je me promène dans le centre-ville qui est également plus beau avec le soleil et je vais dans un parc dénommé Jallianwala bagh où eut lieu une sanglante répression britannique en 1919 avec des centaines de victimes lors d’un rassemblement de protestation pacifique des habitants. Désormais, c’est un monument commémoratif avec quelques explications sur les évènements.
Le centre-ville de Amritsar, on a pas les mêmes normes de sécurité comme vous pouvez le voir à gauche
De retour à mon auberge, je monte sur le toit qui est aménagé en terrasse pour pouvoir admirer la vue et je découvre de nombreux habitants qui font du cerf-volant sur le toit de leurs maisons. La vue est belle et on aperçoit au loin quelques tours des bâtiments du Temple d’Or. Un groupe de jeunes anglais (en réalité un anglais et cinq anglaises) discutent sur la terrasse et j’engage une conversation avec eux. Ils font un voyage de trois semaines en Inde entre le sud et le nord puis ils rentreront en Angleterre. De mon côté, je suis assez fier de raconter que je viens de France par la route en traversant l’Iran et le Pakistan et ils sont curieux d’en savoir plus sur mes impressions donc nous échangeons sur nos différentes expériences de voyageurs, c’est agréable.
Puis, ils partent visiter le centre-ville et je reste à l’auberge pour continuer d’avancer sur le blog.
Vue sur les toits d’Amritsar depuis mon auberge, des habitants font du cerf-volant
Le soir venu, je retourne visiter le Temple d’Or et le spectacle est presque encore plus beau avec les lumières qui mettent très bien en valeur les monuments. Il y a encore beaucoup de monde mais toujours peu de touristes étrangers, surtout des indiens. Le reflet des bâtiments dans le bassin d’eau démultiplient les formes et les couleurs et le bassin permet de donner de l’espace pour pouvoir bien apprécier la vue sur les bâtiments.
L’entrée du Temple d’Or
Le Temple d’Or de nuit
Par contre, cette fois-ci je ne m’attarde pas trop car il fait encore plus froid la nuit et surtout avec les pieds nus ! Pour me réchauffer, je commande un plat thali dans un restaurant à proximité et je me retrouve avec un plat immense pour à peine deux euros, je n’arrive même pas à terminer, je laisserai deux galettes de pain.
Mon plat thali gargantuesque
Voilà, je pense désormais avoir bien visité le Temple d’Or qui est grandiose et les alentours de la ville de Amritsar, il est temps désormais de continuer ma route en direction de la capitale New Delhi.
Le matin commence avec un petit moment de panique lorsque je ne retrouve plus mon argent liquide en euros que je prévoyais de changer à la frontière en roupies indiennes pour les premiers jours en Inde. Normalement, il me restait cent euros mais impossible de les retrouver en défaisant tout mon sac.
J’aurais pu vérifier avant mais j’ai sans doute péché par excès de confiance en me disant que j’avais fait le plus dur dans mon voyage avec le passage en Iran et au Pakistan. Le chauffeur de tuktuk que nous avions utilisé avec Babar le vendredi m’attend comme prévu à l’hôtel à onze heures et je lui fais comprendre que j’ai besoin de faire un détour par la banque.
Donc, je retire à nouveau des roupies pakistanaises que je change ensuite en euros pour les rechanger plus tard en Inde en roupies indiennes… Bref, cela me coûte des frais mais bon je préfère assurer. J’ai pensé après que j’aurais pu demander si c’était possible de changer directement mes roupies pakistanaises en roupies indiennes mais cela ne m’est pas venu à l’esprit dans la précipitation.
Nous arrivons vers midi trente à la frontière Wagah dans la brume, cette fois-ci je ne peux pas apercevoir les immenses drapeaux flottant au loin et les grandes tribunes, heureusement que j’y suis allé avant avec Babar quand il faisait beau afin de pouvoir bien me représenter le décor. Un pakistanais me propose de monter dans sa voiture pour parcourir le dernier kilomètre qui me sépare du poste frontière, décidément du début à la fin de mon séjour les pakistanais auront fait preuve de beaucoup de bonté à mon égard!
Je passe assez facilement la frontière pakistanaise dans des locaux quasiment déserts, cela fait bizarre et j’en souris car je n’ai pas l’impression de passer une frontière. Visiblement ils n’ont pas l’habitude d’avoir beaucoup de monde.
Le passage entre les barrières est plus impressionnant et plus symbolique avec les deux gardes pakistanais et indien qui se font face sans passer la ligne de démarcation tout en se transmettant mon passeport d’une main à l’autre mais je ne ressens aucune tension. Une fois du côté indien, j’immortalise la scène avec le garde indien devant les tribunes désertes et je fais un geste amical au garde pakistanais.
La frontière Wagah côté indien avec les tribunes où se déroule la cérémonie
Du côté indien, je suis bien reçu également. On nous transporte en bus avec un voyageur népalais pour nous emmener au bureau des douanes situé à un ou deux kilomètres. Décidément, je ne me suis pas bien préparé pour ce passage de frontière car j’apprends qu’il me faut un certificat de vaccin contre la polio mais heureusement ils peuvent m’en faire un sur place en me versant deux gouttes d’un liquide dont je n’ai aucune idée de ce que c’est mais je préfère ça à faire demi-tour!
Le personnel indien est aimable et, premier changement que je constate à mon arrivée en Inde, désormais je peux être face à du personnel féminin ou masculin et les femmes ne portent quasiment plus de voiles.
Ensuite, je dépose mes bagages à une conciergerie pour assister une nouvelle fois à la cérémonie du baisser de drapeau mais cette fois-ci côté indien. La foule est plus importante que du côté pakistanais et je trouve que c’est mieux organisé avec beaucoup moins d’attente et plus de personnel en proportion sauf par contre un point surprenant. Au moment de la fouille, il y a un garde qui vérifie le haut du corps puis vingt mètres plus loin un autre garde vérifie le bas du corps et de manière assez laxiste, j’aurais très bien pu dissimuler un objet dans une poche de pantalon à la première fouille puis la dissimuler dans une poche de ma veste avant la deuxième fouille…
Du côté indien, les hommes et les femmes sont mélangés dans les tribunes et le visage des femmes est désormais majoritairement visible. Les gradins se remplissent rapidement avec une foule nombreuse et, comme du côté pakistanais, beaucoup de personnes se sont grimées le visage et sont coiffées d’une casquette aux couleurs de leur pays.
Il commence à y avoir de la musique diffusée dans les enceintes puis les jeunes filles et les femmes sont invitées à rejoindre la route centrale au milieu des tribunes afin de mettre de l’ambiance en chantant et en dansant tout en agitant des drapeaux indiens, le public commence à s’échauffer.
Le public féminin est invité à chanter et danser sur la route principaleDanse sur la célèbre chanson “Jai Ho” popularisée par le film Slumdog Millionaire
Puis, c’est au tour d’un chauffeur de salle en uniforme qui est très bon dans son rôle en haranguant le public avec des mimiques drôles pour le provoquer en leur montrant qu’ils ne chantent pas assez fort, qu’en face ils sont meilleurs, qu’ils ne font que regarder et prendre des photos. L’effet sur le public est immédiat et il chante encore plus fort sur un fond musical rythmé et entraînant diffusé par les enceintes. L’ambiance est très festive et cette cérémonie me permet d’avoir une première vue de l’Inde.
Le chauffeur de salle profesionnel
Ensuite, les gardes indiens en uniformes d’apparat font leur entrée en descendant des escaliers centraux pour rejoindre la route en faisant de grands gestes avec les bras et les jambes comme les rangers pakistanais de l’autre côté et ils s’immobilisent au centre sous la clameur de la foule.
L’arrivée des militaires indiens pour la parade
A ce moment, le chauffeur de salle reprend le micro pour scander des slogans patriotiques auxquelles la foule lui répond à l’unisson, c’est très impressionnant.
Slogans patriotiques
Puis, la troupe de militaires de parade s’élance à grandes enjambées vers la barrière et j’ai l’impression que le public serait prêt à les rejoindre pour passer de l’autre côté et provoquer leurs voisins mais, heureusement, les militaires font demi-tour pour se figer ensuite dans des poses d’intimidations en levant les bras.
Les militaires s’élancent vers la ligne de démarcation
Le point d’orgue se produit à l’ouverture des barrières, tout le monde se lève, les gardes indiens et pakistanais se rapprochent au plus près puis, soulagement, cela se termine par une poignée de main et l’on en reste aux poses théâtrales, le public est en fusion malgré la brume et le froid.
L’ouverture des barrières avec la poignée de mains entre un militaire pakistanais et son homologue indien
Ensuite, l’émotion redescend petit à petit, les drapeaux sont abaissés, repliés et enfin ramenés à leur base tandis que les barrières se ferment et le public quitte progressivement les tribunes. Je suis très content d’avoir vu la cérémonie de chaque côté car c’est toujours un spectacle impressionnant et cela permet d’avoir une vision d’ensemble.
Il est temps pour moi de récupérer mon sac et de trouver un moyen de rejoindre la ville de Amritsar où j’ai réservé un lit dans une auberge. Elle est située à une trentaine de kilomètres donc le trajet sera court. Je cherche un bus mais les indications ne sont pas très claires et, surtout, je n’ai pas pu échanger mes euros contre des roupies indiennes donc, finalement, je prends un tuktuk contre un billet de dix euros. Cela reste moins cher qu’un tarif officiel de taxi que j’avais vu à ma sortie du poste de frontière.
Dans mon trajet en tuktuk, j’ai le temps de repenser à tout le chemin parcouru jusqu’ici et j’en suis fier, notamment d’avoir franchis l’Iran et le Pakistan qui étaient les destinations pour lesquelles j’avais le plus d’interrogations. Désormais, il est temps de découvrir ce pays immense en taille, en culture et en Histoire qu’est l’Inde !