Du 01 au 02 avril 2023
Le passage de frontière sur les postes de contrôles en bordure du fleuve se passent bien, il y a juste de l’attente car nous sommes nombreux. Cependant, la balade sur le Mékong n’est pas très intéressante, le fleuve est très large donc nous sommes souvent éloignés du rivage et les paysages sont monotones. J’avais imaginé naviguer au milieu de la nature sauvage avec de la jungle et de la mangrove mais on aperçoit surtout des champs, des maisons, quelques temples et de larges péniches qui récupèrent de la terre avec de grandes pelleteuses.
A l’arrivée sur Phnom Penh je découvre de hautes tours modernes dont certaines sont en construction. La capitale du Cambodge était surnommée la « perle de l’Asie » au milieu du XXème siècle mais les dégradations des nombreux conflits qui ensanglantèrent ce pays puis le récent développement urbain dérégulé mirent à mal cette réputation malheureusement.
Il fait toujours aussi chaud que dans le sud du Vietnam mais, étrangement, les rues sont très calmes pour une capitale asiatique, peut-être du fait que c’est le week-end et aussi du fait que nous nous rapprochons du nouvel an Khmer donc les cambodgiens en profitent généralement pour retourner dans leurs familles à la campagne. La ville est quadrillée en rues rectilignes qui ont chacune leur numéro donc c’est facile de s’orienter.
Je suis surpris de découvrir progressivement que le coût de la vie au Cambodge est légèrement plus élevé qu’au Vietnam alors que ce dernier pays me semble plus développé, sauf pour la bière qui est moins chère, c’est déjà ça.
Je visite le palais royal où il est bizarrement obligatoire de porter un masque chirurgical alors que c’est principalement à l’air libre, ce masque ne m’avait pas manqué et en plein cagnard c’est rapidement très désagréable, je plains les habitants qui ont dû le porter chaque jour pendant la pandémie. Il n’y a malheureusement aucune explication sur place donc je ne peux pas vous dire grand-chose si ce n’est que c’est une grande enceinte de 18 hectares de surface avec de nombreux temples et palais officiels, environ la moitié de l’espace est privé car toujours utilisé comme résidence par le roi du Cambodge.
Le soir on sort dans le quartier avec d’autres voyageurs de l’auberge et on joue au billard dans un bar.
Le lendemain est consacré à des visites de lieux de mémoire de l’Histoire tragique du Cambodge sous la domination folle et exterminatrice de Pol Pot et des Khmers Rouges de 1975 à 1979. A leur arrivée au pouvoir après des années de guerres civiles, les Khmers Rouges évacuèrent tous les habitants des grandes villes (soit plusieurs millions) car ils étaient jugés suspects afin d’être « rééduqués » dans des camps à la campagne où beaucoup moururent de faim et de fatigue. En tout, on estime à environ trois millions de personnes qui périrent en quatre ans dans des conditions atroces, soit quasiment un quart de la population.
Je commence par la visite d’un des camps de tueries de masse dénommé « Choeung Ek » situé à une dizaine de kilomètres de la ville. A première vue, c’est difficile de se rendre compte des crimes qui ont été commis dans ce lieu qui semble paisible avec des arbres, un petit lac et des champs autour sachant que la majorité des baraquements en bois ont été démontés à la fin du régime pour être réutilisés par les paysans vivant à proximité qui manquaient de tout. Mais le guide audio guide nous décrit les évènements qui s’y produisirent avec de nombreux témoignages poignants de victimes, il y a également des illustrations des anciens bâtiments sur le parcours et il reste des trous de fosses communes. Parfois il y a des restes d’habits et d’ossements qui ont été laissé délibérément sur le sol pour la symbolique et, à l’entrée du site, il y a un stupa bouddhiste dans lequel sont conservés de nombreux crânes de victimes qui portent la trace du moyen de mise à mort. C’était principalement avec des outils agricoles pour économiser les balles. En tout, vingt mille personnes y furent assassinées dont des enfants.
Plus tard dans la journée, je visite l’ancien centre de détention et de torture dénommé « S21 » qui fut installée dans une ancienne école en plein centre-ville. Là, toutes les installations ont été conservées pour témoigner de l’atrocité des actes commis et c’est encore plus glaçant de découvrir ces anciennes salles de classes reconverties en salles de tortures ou en cellules sombres et étroites avec des murs en bois ou en briques construits à la hâte pour faire les séparations à l’intérieur. Des morceaux de murs ont été probablement abattus à la masse afin de créer des ouvertures sommaires entre les salles, les bâtiments en béton gris sont entourés de barbelés et un ancien portique de balançoire fut utilisé comme potence dans la cour, c’est sinistre. Des photos montrent des corps de suppliciés avec des flaques de sang, c’est un spectacle insoutenable mais tout de même nécessaire pour se rappeler à quel point l’Homme peut basculer dans la violence et qu’il faut tout faire pour éviter que cela se reproduise. On estime le nombre de victimes dans ce lieu à une vingtaine de milliers. De nombreux touristes viennent visiter ces lieux de mémoire, chacun reste en silence et le regard grave, marqué par ces atrocités.
Il est difficile de passer à un autre sujet après avoir décrit ces lieux mais, sans oublier pour autant ce qu’il s’y est passé, on essaye malgré tout de continuer d’avancer. Avec un pensionnaire de l’auberge, je pars me balader le soir du côté du marché de nuit où nous dînons en étant assis en tailleurs sur des tapis disposés autour de stands de nourriture.
Je prévois de partir le lendemain pour Siem Reap et j’hésite à louer un scooter pour y aller et faire ensuite un tour du Cambodge sachant que je dois revenir à Phnom Penh pour prendre mon avion pour l’Australie. Mais il fait très chaud en cette saison et j’ai eu peu de temps pour tester différents magasins de location de scooters sachant que certains ont des commentaires assez négatifs. Nous verrons demain, la nuit porte conseil.