Jour 86 (12/12/2022)
Avant de partir prendre mon bus en fin de matinée, je change des dollars que j’avais retirés en Turquie au cas où j’en aurais eu besoin en Iran, cela me permet d’avoir plus de roupies pakistanaises pour les prochains jours alors que je ne suis pas sûr de trouver un moyen de retirer de l’argent ou de changer à un bon taux dans les prochaines villes que je visiterai.
La route que nous empruntons pour rejoindre la ville de Larkana, située à environ quatre cents cinquante kilomètres de Karachi en remontant vers le nord, passe en périphérie de Hyderabad puis elle longe un temps le célèbre fleuve Indus sans être assez près pour le voir. Il y a beaucoup de cultures, notamment des rizières, une chaine de moyennes montagnes apparaît mais nous restons dans la plaine et nous les perdons de vue rapidement. Puis, la nuit arrive et la lune éclaire les terres inondées de chaque côté de la route, dans les petites villes que nous traversons il y a beaucoup de gargotes avec des tables dehors où se retrouvent les habitants. Le trajet en bus prendra en tout quasiment huit heures de route et j’ai moins de place pour mes jambes que dans les bus VIP iraniens donc je commence à ressentir des crampes. De plus, le chauffeur claxonne à tout va pour écarter les véhicules devant lui et il carillonne encore plus fort à la tombée de la nuit donc c’est difficile de lire, pour me distraire je peux regarder la télévision centrale du bus qui diffuse des clips bollywoodiens.
A l’arrivée à la gare routière, un passant m’aide encore une fois spontanément pour expliquer au taxi où je souhaite aller et négocie le prix, c’est très agréable. Je suis content d’arriver à mon hôtel pour me reposer après ce long trajet et je ne cherche pas à sortir très loin le soir pour trouver à manger. Il y a un restaurant juste à côté de l’hôtel, le serveur m’offre une entrée avec des rondelles de tomates et de concombres qui m’ont l’air fort rafraichissantes mais j’hésite car c’est préférable de manger de la nourriture cuite pour moi au Pakistan. Finalement, je décide de les goûter car ces crudités ont l’air fraiches et propres, peut-être que c’était une mauvaise idée, le mystère demeure sur les sources de mon mal à venir entre ces crudités le beignet refroidis de la veille.
En attendant, je rentre me coucher car j’ai rendez-vous tôt le lendemain matin avec un nouveau guide pour visiter le site de Mohen Jo Daro.
Jour 87 (13/12/2022)
Le réveil plus tôt que d’habitude est compliqué car je n’ai pas très bien dormi. Je me suis réveillé dans la nuit avec de légers frissons, la température avait baissé et je n’avais qu’un drap en laissant la couverture à mes pieds mais ce n’était sans doute pas la seule raison. Donc je me sens malade en me levant mais je me dis que cela passera avec du repos en fin de journée et je prends en attendant un Doliprane.
Mon guide me récupère à la réception avec un chauffeur et nous allons ensemble sur le site de Mohen Jo Daro qui est situé à une trentaine de kilomètres. Irshad, mon guide, m’explique que c’est une ancienne cité datant de cinq milles ans avant Jésus Christ et qui a compté jusqu’à quarante milles personnes, ce qui est très élevé pour l’époque donc c’est un site historique très important. La cité a été bâtie par la civilisation de l’Indus (appelée également civilisation harappéenne). Elle est située au croisement des anciennes routes commerciales permettant de relier l’Iran et de celle qui longe le fleuve Indus. Les fouilles archéologiques réalisées au début du XXème siècle ont permis d’exhumer de terre seulement une partie des vestiges de l’ancienne cité mais c’est déjà une superficie importante. Malheureusement, les récentes inondations ont endommagé près de trente pour cents du site et des travaux de rénovation et de protection en cas de nouvelles inondations sont en cours. Dans la première partie que nous visitons, située légèrement en hauteur sur une butte, il y a notamment une grande piscine dont on peut voir nettement l’architecture alors que pour les autres bâtiments il faut un peu plus d’imagination. Il y a plusieurs salles de bains communes, un collège, des habitations. J’ai parfois un peu de mal à comprendre mon guide avec le vocabulaire technique utilisé et l’accent mais cela ne m’empêche pas de pouvoir découvrir le site. Des bouddhistes sont venus longtemps après l’abandon de la cité pour ajouter un monastère tout en haut de la butte au deuxième siècle en réutilisant les briques des anciens bâtiments donc on croirait que le monastère date de la même période.
Ensuite, nous visitons une autre partie de la cité un peu plus en retrait qui contenait de grandes demeures de riches habitants avec des puits et des salles de bains et il y avait aussi la demeure du chef de la cité ainsi que de nombreux commerces.
Nous terminons la visite par le musée qui comporte quelques objets assez similaires à ce que j’ai pu voir dans le musée national de Karachi.
Puis, Irshad m’aide à prendre un minibus pour la ville de Sukkur qui est située à environ quatre-vingt-dix kilomètres plus au nord, ce qui me permet d’avancer dans mon parcours sachant qu’il est à peine midi. Le minibus n’est pas cher mais nous sommes serrés comme des sardines et j’ai mon sac à dos allongé sur mes genoux et ceux de mon voisin qui s’est gentiment proposé pour répartir la charge. Je ressens des débuts de crampes dans les jambes au milieu du trajet mais c’est impossible de changer de position ou alors cela se joue à quelques centimètres donc je fais des micros exercices de contorsionniste pour tenter d’atténuer la douleur et surtout éviter qu’elle augmente tout en essayant de penser à autre chose. Ensuite, c’est mon intestin qui commence à se manifester et, en plus, la route est en mauvais état avec de multiples cahots qui ne me facilitent pas la tâche.
Nous finissons par arriver à Sukkur au bout de quasiment deux heures de route et le même scénario se répète, un passager du minibus se propose spontanément de m’aider à réserver un tuktuk et à me payer le trajet alors que j’insiste pour le régler puis je le remercie chaleureusement. Je me sens très fatigué en arrivant à l’hôtel en début d’après-midi, les crampes dans les jambes sont passées mais mon intestin est toujours chamboulé et je commence à ressentir des courbatures dans le dos.
Heureusement que je n’avais rien de programmé cette après-midi, lorsque je suis enfin dans ma chambre je me précipite aux toilettes puis je reste allongé dans mon lit en me recouvrant de couvertures et de vêtements chauds car je frissonne avec les courbatures qui augmentent. Cela s’annonce mal, mon corps monte en température mais je ne ressens pas de fièvre. Je pensais visiter la ville dans l’après-midi mais au bout d’une heure dans mon lit je ne me sens pas mieux, les symptômes sont même encore plus forts. En me renseignant sur internet, cela ressemble fortement à une intoxication alimentaire ou gastroentérite, je réfléchis à ce qui pourrait en être à l’origine afin d’éviter de refaire la même erreur et c’est là que je pense au beignet refroidis de Karachi il y a deux jours puis aux crudités de Larkana la veille.
En fin de journée, je me force à me lever pour aller acheter quelque chose à boire et aussi à grignoter même si cela m’a coupé l’appétit, j’en profite pour faire un petit tour à pied dans le quartier. C’est l’heure de la prière donc les chants des muézins résonnent dans les rues, je reste attentif à regarder où je mets les pieds car il y a de gros trous sur le trottoir qui donnent directement dans les eaux usées et je ne voudrais pas renouveler l’expérience de Bandar Abbas…
En cherchant un raccourci pour accéder à une rue où il me semblait y avoir plusieurs commerces, je passe dans une ruelle étroite où seuls les piétons et les motos peuvent se faufiler, des jeunes jouent dans la rue, il y a quelques petites épiceries et je croise plusieurs femmes habillées en tchador. Une fois arrivé dans la rue principale que je visais, je ne trouve pas de supérette comme je l’espérais et je finis par prendre un tuktuk pour terminer la boucle car je commence à fatiguer et la nuit tombe. Heureusement, il y a un commerce à proximité de mon hébergement et j’achète deux grandes bouteilles d’eau et un coca avec quelques biscuits puis je rentre dans ma chambre. Je préviens également le gérant que je vais probablement rester une nuit de plus ainsi que le responsable de l’hôtel de ma prochaine destination pour décaler ma réservation.
Là, je vais passer une très mauvaise nuit, je n’arrive pas à dormir à cause des courbatures dans mon dos qui s’intensifient et qui se propagent à mon cou, j’ai froid puis j’ai trop chaud, chaque mouvement de mon corps génère de la douleur et je n’arrive pas à trouver une position confortable pour me reposer. Je bois régulièrement de l’eau et quasiment toutes les heures je me lève pour aller aux toilettes, c’est éreintant. J’envoies un SOS à mon frère Samuel qui est ophtalmologue pour lui demander son avis mais il est actuellement en Nouvelle Calédonie donc il dort à cette heure, je recevrais sa réponse à son réveil vers deux heures du matin pour moi mais comme je ne dors pas je peux échanger brièvement avec lui. Il confirme mes soupçons et il me conseille de prendre quelques médicaments que j’ai heureusement sur moi et qui m’aideront à faire passer progressivement cette épreuve douloureuse tout en me recommandant d’essayer de manger. Mon moral était au plus bas dans ces instants et je me sentais bien seul dans ma chambre d’hôtel en plein milieu du Pakistan à une dizaine de milliers de kilomètres de mes proches. Je me demandais qu’est-ce que je foutais là et le chemin qui me restait à parcourir me semblait encore bien long… Vive les docteurs, les médicaments, la santé et merci Sam !!
Jour 88 (14/12/2022)
Après cette nuit horrible et interminable, les effets bénéfiques des médicaments et sans doute aussi du repos au chaud commencent à se ressentir. J’arrive à sortir péniblement de mon lit pour me forcer à prendre un petit-déjeuner à l’hôtel puis me recoucher un temps. Cette expérience m’a fait redécouvrir la fragilité de mon corps et il me faut désormais rester plus attentif à ses alertes pour le ménager.
Etant donné que je me sens un peu mieux, je me décide à sortir car je voudrais voir le fleuve Indus qui passe tout près de la ville de Sukkur et c’est à moins de trente minutes de marche de mon hôtel. Je reprends un Doliprane et un Turfan et c’est parti. Je sens encore des courbatures dans mon dos et des dérangements intestinaux mais j’arrive quand même à marcher prudemment. Le soleil est déjà haut et la température probablement autour des vingt-cinq degrés. Je parviens enfin à rejoindre les berges au bord du fleuve Indus dont je ne peux apercevoir qu’une portion car il est séparé en plusieurs parties par des îlots à cet endroit mais je peux me rendre compte de la taille immense de ce fleuve en observant plus loin un pont à deux niveaux qui le traverse.
Néanmoins, le spectacle n’est pas très réjouissant car je trouve le fleuve sale à cet endroit avec de mauvaises odeurs qui en émanent, il y a un parc de la ville qui le longe et qui me permet de le suivre un temps avec des barques qui l’empruntent. Puis je rejoins le centre de la ville qui est bruyant avec son trafic routier ininterrompu de tous types de véhicules (y compris avec une mule) qui klaxonnent ou crient à tout va.
Je me promène dans le bazar où il y a de nombreux étals de tissus mais aussi des épices avec de belles couleurs qui viennent égayer le décor des rues un peu sombres et sales. Quelques personnes me regardent avec un air de curiosité et me lancent un « hello » en souriant auquel je réponds en tâchant de leur rendre leur sourire malgré ma maladie.
Cela me fait du bien de prendre l’air mais je sens qu’il ne faudrait pas que je reste trop longtemps car les symptômes sont toujours présents et il vaut mieux que je reste à proximité des sanitaires. Juste avant de prendre un tuktuk pour me ramener à l’hôtel je découvre une belle tour horloge de couleur blanche qui est située en plein milieu d’une place.
De retour à ma chambre, je fais bouillir de l’eau avec mon réchaud de camping pour boire la dernière soupe en poudre qui me restait puis je me motive pour continuer l’écriture du blog tant qu’il me reste un peu de force et publier mon premier article sur le Pakistan.
Ensuite, je fais une sieste et, en fin de journée, je vais voir le gérant de l’hôtel pour lui demander de m’aider à réserver un bus le lendemain pour la ville de Multan car je n’arrive pas à trouver comment le faire sur internet. Il me dit qu’il faut aller à la gare routière qui est à une vingtaine de minutes en voiture et il se propose de m’y emmener pour le même prix qu’un tuktuk. Une fois arrivés, il m’aide à faire l’interprète et il m’indique qu’il n’y a que deux bus disponibles le lendemain pour cette destination : un qui part à cinq heures du matin et un autre partant à cinq heures de l’après-midi. Je n’ai aucune envie de passer une journée supplémentaire dans cette ville qui n’a pas beaucoup d’intérêts à mes yeux donc je choisis à contrecœur la première option en sachant que j’ai prévu de regarder la demi-finale des bleus contre l’équipe du Maroc qui sera diffusée de minuit à deux heures du matin au Pakistan donc je n’aurais pas beaucoup d’heures de sommeil…
En rentrant à l’hôtel, je commande un plat de riz avec des légumes puis je règle ma note auprès du gérant afin de pouvoir partir rapidement le matin et j’essaye de me coucher tôt afin d’avoir un peu de repos avant le réveil pour le match. La suite au prochain article!
Courage Hugues ! Que serait un périple en Asie sans quelques problèmes de ventre…. 🙂