Jour 66 (22/11/2022)

La route en direction de Kerman ne varie pas beaucoup des précédents trajets en Iran : un plateau, du désert et toujours des montagnes au loin. Dans le bus, je fais la connaissance de Derk, un hollandais de vingt-sept ans, qui a fait un voyage d’environ trois mois au Pakistan puis en Irak, ensuite en Turquie et il termine par l’Iran. Lui aussi il a choisi des destinations atypiques et souvent jugées risquées mais heureusement il n’a eu aucun problème.

Nous avions repéré la même auberge à Kerman donc nous décidons de prendre un taxi ensemble et surtout, le point positif, c’est que nous avons tous les deux envie de visiter le désert de Lut donc cela nous permettra de faire le voyage ensemble et de partager les frais.

En arrivant à la gare routière, j’essaye de réserver un chauffeur avec l’application Snapp mais le conducteur a du mal à nous trouver car il y a plusieurs entrées. Une voiture s’arrête à notre niveau et nous croyons comprendre que le conducteur nous propose de nous emmener pour le même tarif que Snapp. Nous finissons par accepter car nous avons hâte d’arriver à l’hébergement après un long trajet en bus.

Cependant, lorsqu’il nous dépose au lieu prévu, il réclame bien plus d’argent que ce que nous pensions qu’il était convenu et nous parlementons quelques temps puis nous décidons de sortir de la voiture en lui donnant davantage mais pas assez pour lui. Derk ne peut pas sortir de son côté donc il passe par ma porte et nous récupérons nos sacs à dos dans le coffre en saluant froidement le conducteur. A peine avons-nous marché dix mètres que Derk se rend compte qu’il a oublié son téléphone sur la banquette arrière ! Nous nous précipitons mais c’est trop tard, la voiture est partie et nous n’avons pas pu relever la plaque d’immatriculation. Là, c’est la galère, on réfléchit avec Derk à ce que nous pourrions faire mais nous ne voyons pas grand-chose à part attendre sur place et espérer que le chauffeur revienne après s’être rendu compte de l’oubli bien que nous n’ayons que peu d’espoir au vu de son attitude. J’essaye de joindre le service client Snapp pour leur demander d’envoyer un message aux chauffeurs de la ville de Kerman car il m’a semblé que le chauffeur en fait partie mais j’ai du mal à me faire comprendre et je finis par abandonner. Une personne remarque notre mine dépitée et propose à Derk de l’emmener à la gare routière au cas où le le chauffeur y serait retourné et pendant ce temps, je reste sur notre lieu de dépose.

Au bout d’une heure, je vais à l’hôtel et Derk me rejoint quelques instants plus tard, sans résultat. Le gérant de l’auberge se propose spontanément de nous aider en cherchant à obtenir des images des caméras de vidéos surveillance et il fera les démarches dans ce sens auprès de la police mais malheureusement cela ne permettra pas d’identifier le chauffeur. Nous essaierons également avec Derk de localiser son téléphone avec des applications Apple mais cela ne fonctionnera pas.

Malgré tout, nous essayons de nous changer les idées en dînant sur place puis nous nous installons dans notre chambre qui possède une télévision d’où nous pouvons regarder les matchs de la coupe du monde dont nous sommes tous les deux très intéressés. Ce soir, nous assistons à la belle victoire des bleus contre l’équipe d’Australie, en espérant qu’ils puissent garder la coupe à la maison !

Jour 67 (23/11/2022)

Le matin, nous continuons de regarder les démarches possibles avec Derk et Farhab, le gérant de l’hôtel, pour retrouver le chauffeur et nous nous mettons d’accord également pour organiser la visite du désert de Lut avec un chauffeur guide en tout début d’après-midi et jusqu’à la tombée de la nuit pour admirer les étoiles. Je suis très content d’avoir rencontré Derk et que nous ayons le même objectif d’aller dans ce désert pour partager ce moment ensemble (en plus des frais). C’est une destination de l’Iran que je souhaitais absolument visiter après avoir vu des vidéos de voyageurs.

En attendant, nous allons nous promener dans le quartier et acheter à manger pour le déjeuner puis nous retrouvons à l’auberge notre chauffeur guide pour nous emmener dans le désert de Lut. Il s’appelle Metti, il a tout juste la trentaine et il possède également un hôtel en plus de son activité de guide touristique.

Pour accéder au désert, nous devons tout d’abord monter en altitude et franchir une imposante barrière de montagnes via un tunnel pour ensuite redescendre bien plus bas que la ville de Kerman. Sur la route, Metti nous explique que les arbustes dans le désert que nous traversons forment des monticules de sable parfois de plusieurs mètres de haut en retenant le sable projeté en l’air lors des tempêtes avec ses feuilles et ses racines. Nous visitons également un caravansérail sur la route mais je ne m’y attarde pas beaucoup car je suis impatient de découvrir le désert de Lut.

Après environ une heure et demi de route, nous apercevons enfin ces fameuses falaises de sable dont les silhouettes sont façonnées par le vent. D’après les explications de Metti, la formation de ce désert est dû à l’émergence d’un grand volcan à proximité qui a stoppé l’écoulement de l’eau qui venait auparavant inonder la zone et aplanir la surface en la recouvrant de sable. Désormais, cette zone ne reçoit quasiment plus d’eau et elle est traversée par des vents forts projetant des grains de sable qui viennent effriter les parties fragiles de la structure et former progressivement ces falaises aux multiples formes par un phénomène d’érosion aérienne. En été, il peut faire jusqu’à soixante-dix degrés pendant la journée donc dans ces conditions il ne peut pas y avoir d’espèces animales, on comprend ainsi pourquoi ce désert s’appelle Lut, qui signifie « nu et vide » !

Nous quittons la route principale pour nous enfoncer plus profondément dans le désert en suivant une piste sur une quinzaine de kilomètres et nous observons avec nos yeux ébahis ces immenses falaises de sable. Puis, Metti nous dépose afin que nous puissions nous balader à pied pendant une bonne heure avant d’aller admirer le coucher du soleil dans un autre endroit. Avec Derk nous sommes excités comme des gamins et nous ne savons pas trop par où commencer avec toutes ces formes de sable différentes autour de nous. Finalement, nous optons pour prendre de la hauteur et nous nous lançons dans l’ascension d’une montagne de sable en faisant notre propre chemin dans la pente. Je mitraille les alentours de photos et j’en fais également pour Derk afin qu’il puisse garder des souvenirs.

Une fois arrivés sur la crête, nous basculons sur l’autre versant et nous revenons en direction de Metti qui commençait à s’inquiéter de ne plus nous voir. Il nous emmène ensuite au pied d’une grande falaise sur laquelle nous pouvons facilement accéder au sommet qui offre une vue panoramique sur le désert avec le coucher du soleil. Le site est majestueux, après quelques prises de photos je m’assois pour contempler le paysage dans ce décor unique. Cela me fait prendre conscience du chemin que j’ai parcouru sur la route depuis mon départ de Paris à la mi-septembre et j’en suis très fier, notamment d’avoir pu atteindre des endroits comme le désert de Lut que j’avais identifié à l’avance sur la carte sans savoir si j’y arriverais et maintenant, j’y suis ! Mais il me reste encore beaucoup de chemin à parcourir donc je savoure le moment tout en pensant à la suite du voyage.

Ensuite, nous redescendons à la voiture pour installer un grand tapis au sol et prendre un thé tout en observant le coucher du soleil qui s’étire dans le temps avec plusieurs couches de couleurs qui s’empilent sur les sommets des montagnes, c’est très beau.

Derk, Metti et moi-même installés sur un tapis pour admirer le coucher de soleil tout en prenant un thé

Puis, petit à petit, le ciel s’obscurcit et les étoiles commencent à apparaitre progressivement et nous nous allongeons sur le tapis dans ce planétarium géant. Il n’y a pas de bruit, l’air se rafraîchit légèrement et les étoiles scintillent désormais dans tout le ciel. Il y en a tellement que cela devient difficile de distinguer les quelques constellations que je connais, je crois reconnaitre le W de Cassiopée mais non, elle était ailleurs avec une rotation à quatre-vingt-dix degrés. La voie lactée est resplendissante, on croirait même l’apercevoir en relief avec des masses sombres et lumineuses. Nous restons un long moment à admirer ce spectacle nocturne et à prendre des photos avec l’aide de Metti qui a l’habitude.

Nous finissons par quitter ce lieu magique qui restera gravé dans nos mémoires, j’y retournerais avec grand plaisir en allant si possible plus profondément dans le désert mais il faut dans ce cas prévoir plusieurs véhicules 4 x 4 car il y a des risques de s’ensabler et il faut des personnes qui connaissent bien le terrain.

Sur la route du retour, Metti nous fais visiter une immense citerne à eau creusée dans le sous-sol comme j’avais pu en voir dans une cité sous-terraine près de la ville de Kashan mais plus petite. C’est une immense cuve cylindrique qui est recouverte par un sommet en coupole plutôt qu’un toit plat afin de limiter la surface exposée au soleil et réduire donc la chaleur dans la citerne. Il y a également des tours à vent disposées de chaque côté comme à Yazd afin de rafraichir l’eau et les habitants y ajoutaient un peu de sel pour la conserver potable. Ils pouvaient accéder à cette réserve d’eau via un grand escalier s’enfonçant profondément sous terre.  

Metti nous donne beaucoup d’explications intéressantes et nous continuons la conversation dans la voiture. Nous rentrons tardivement à l’auberge pour y prendre un dîner puis regarder un match de football avant de nous coucher en pensant encore à ces images magnifiques du désert de Lut et du ciel étoilé.

Jour 68 (23/11/2022)

Pour aujourd’hui, nous n’avons pas prévu grand-chose avec Derk étant donné que nous avons visité la veille le lieu qui était le plus important à nos yeux dans la région. Après avoir fait le point avec Farhab concernant les démarches pour essayer de retrouver le téléphone, nous allons visiter le bazar de Kerman, passage obligé et toujours apprécié dans chaque ville iranienne.

Le bazar de Kerman est agréable à visiter avec ses larges places à ciel ouvert et sa galerie de commerçants qui aboutit sur un grand marché de fruits et légumes avec une belle vue sur les montagnes.

Extérieur du bazar de Kerman avec vue sur les montagnes

Ensuite, nous rentrons déjeuner à l’auberge puis nous réservons un taxi pour aller visiter le jardin de Shahzadeh, situé à une cinquantaine de kilomètres dans la ville de Mahan et qui est classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Mais nous ne le trouvons pas si exceptionnel que cela malgré ses bassins à étages et sa haie de grands arbres aux couleurs de l’automne, sans doute son caractère exceptionnel vient du fait de sa situation géographique dans une région très aride. En plus, je suis suivi par un iranien pot de colle qui est très heureux de pouvoir parler français avec moi mais c’est une conversation à sens unique où il déverse un flot ininterrompu de paroles en me demandant mon avis sur des sujets polémiques donc je finis par ne plus lui répondre et continuer mon chemin sans faire attention à lui. Finalement, la plus belle vue sera en sortant des enceintes du jardin pour admirer les chaines de montagnes de chaque côté du plateau. Ensuite nous allons visiter un sanctuaire sur la route puis nous rentrons à l’auberge.

J’avance sur mon blog tout en regardant un match de foot à la télévision et je passe quelques coups de fils à mes proches. Je prête également mon téléphone à Derk pour qu’il puisse échanger avec sa famille. Nous prenons une nouvelle fois le dîner sur place et Derk décide de réserver un bus de nuit le soir même pour la ville de Bandar Abbas afin de rejoindre l’île d’Hormuz. C’est ce que j’ai également prévu dans mon nouvel itinéraire mais je préfère voyager de jour afin de pouvoir observer les paysages donc nous repérons à l’avance quelques auberges sur place afin de pouvoir s’y retrouver dans quelques jours.

En préparant un thé dans la cuisine de l’auberge, nous rencontrons un groupe d’iraniens qui font un petit barbecue dans le jardin et qui nous proposent de les rejoindre. Nous acceptons avec plaisir et c’est l’occasion de pouvoir échanger davantage avec des iraniens en leur partageant nos anecdotes de voyage et de leur côté ils nous permettent d’en apprendre davantage sur leur pays. Ils sont originaires de la ville de Kerman et ils ont à peu près notre âge, nous nous entendons bien.

C’est l’heure de partir pour Derk pour un long voyage de nuit en espérant que nous pourrons nous retrouver à l’île d’Hormuz !

Jour 69 (24/11/2022)

Finalement, je décide de rester un jour de plus dans la ville de Kerman car je me doute qu’ensuite dans le golfe persique ce sera un autre type de paysage et d’architecture donc je me promène à nouveau dans le bazar en ayant un regard plus attentif sur les tours à vent, les grandes portes à arche avec leurs décorations raffinées et leurs couleurs vives afin de bien les garder en mémoire.

Bazar de Kashan

Je retrouve également en fin de matinée le groupe d’iraniens rencontrés la veille pour prendre un café sur une terrasse éloignée de la zone touristique et très agréable, je n’y serais clairement pas allé sans eux. Puis, ils me ramènent à l’hôtel et nous nous donnons rendez-vous le soir pour dîner ensemble une dernière fois en ville.

Pendant l’après-midi, je reste longtemps dans ma chambre afin d’avancer sur mon blog tout en regardant la belle victoire de l’équipe d’Iran contre l’équipe du pays de Galles qui les relance dans la qualification pour les huitièmes de finale, espérons qu’ils y arriveront !