Jour 90 (16/12/2022)

Le trajet depuis Multan vers Islamabad est très agréable, mon siège est confortable et j’ai de la place pour mes jambes, l’autoroute est en bon état avec peu de fréquentation donc il n’y a plus de klaxons et cela fait du bien d’avoir du calme ! Le paysage est encore verdoyant, les déserts iraniens me semblent loin désormais. J’aperçois à travers la vitre des champs de maïs, des rizières et du colza sur des terres uniformément planes avec de nombreuses réserves d’eau.

Environ à mi-parcours, la route auparavant rectiligne bifurque vers l’ouest en direction de la capitale et prends progressivement de l’altitude en passant au travers de hautes falaises de couleur orange pour atteindre un plateau supérieur. La route devient plus sinueuse et elle est parfois bordée de hauts arbres de chaque côté, le paysage est toujours aussi verdoyant avec notamment des orangers.

Puis, j’arrive en début de soirée dans une gare routière en périphérie de Islamabad et je prends un taxi pour rejoindre mon auberge de jeunesse qui se situe dans le quartier E11 et je m’aperçois que j’ai tordu un de mes bâtons de randonnée qui m’aura finalement peu servi. La capitale du Pakistan est très récente, le site a été choisi après la création du pays quasiment sur un terrain vierge et la ville a été quadrillée en blocs dénommés par une lettre et un chiffre donc c’est pratique pour se repérer mais c’est très impersonnel.

Demain, je devrais retrouver Azaan que j’avais rencontré dans l’auberge de Téhéran et qui était notre chef cuisinier et animateur de groupe faisant le lien avec les différents pensionnaires de l’établissement donc je reste à l’auberge le soir pour me reposer et mettre à jour le blog. Je suis dans un dortoir pour quatre personnes qui est situé dans un grand appartement d’un immense immeuble avec un salon spacieux et d’autres chambres privatives avec leur salle de bain et nous partageons tous ensemble la même cuisine.

Jour 91 (17/12/2022)

Ma matinée est consacrée principalement à la mise à jour du blog après une bonne nuit de repos. Il était prévu que Azaan passe me chercher en début d’après-midi pour que nous passions le week-end ensemble à Islamabad mais, malheureusement, des soucis de santé vont l’immobiliser et nous ne pourrons pas nous voir.

En l’attendant, je fais la rencontre à l’auberge de Felix, un jeune allemand de vingt-deux ans qui a prévu un semestre d’études en Inde à partir du mois de janvier sur des sujets environnementaux comme la gestion de l’eau ou des déchets. En attendant le début des cours, il profite de plusieurs mois de vacances entre deux cycles universitaires pour visiter plusieurs pays sur la route en direction de l’Inde. Il a parcouru l’Europe, la Turquie, la Géorgie et l’Arménie puis il a préféré éviter l’Iran et découvrir Oman pour ensuite a atterrir à Karachi pour remonter le Pakistan en bus comme moi. Cependant, Felix découvre par ses propres moyens le pays et dors chez l’habitant en utilisant l’application CouchSurfing donc il est davantage en immersion que moi et il a aussi pris l’initiative de contacter des professeurs pour visiter leur université et assister à des cours ainsi que de visiter des usines de textile pakistanaises. Nous échangeons sur nos impressions sur le Pakistan ainsi que les précédents pays visités et sur nos méthodes de voyages.

Je ressens parfois une petite pointe de condescendance chez Felix à mon égard concernant nos modes de voyage avec plus d’aventure et d’économie de son côté en raison de la fréquente pratique de dormir chez l’habitant et de faire du stop de temps en temps ou de camper. Cette impression est peut-être due aussi à son humour teinté d’ironie mais je ne relève pas le point pour le moment car nous nous connaissons peu et je préfère partager des moments ensemble, nous verrons par la suite. Souvent les rencontres avec d’autres voyageurs sont l’occasion pour moi de m’interroger sur mon itinéraire et sur la manière de le parcourir, cela me motive parfois également à me lancer des défis comme l’auto-stop dans le Baloutchistan. Clairement j’aurais parfois aimé sortir davantage des sentiers battus en faisant du camping sauvage, du vélo ou de la moto mais j’aurais préféré le faire avec quelqu’un plutôt que tout seul. De plus, avec le peu d’informations que j’avais sur le Pakistan qui étaient parfois négatives, je me voyais mal partir plus à l’aventure pour mes premiers jours.

C’est déjà la fin d’après-midi et nous décidons de partir à pied avec Felix pour rejoindre un grand parc à une quarantaine de minutes à pied de notre logement, cela nous permettra de découvrir les quartiers autour tant qu’il fait jour. Il y a de très belles villas modernes et bien entretenues avec beaucoup de verdure et notamment des palmiers, cela me fait penser à des quartiers résidentiels dans des villes du sud des Etats-Unis comme par exemple Miami.

Islamabad a de grandes avenues avec beaucoup d’espaces verts, il n’y a pas de tuktuks et la densité de circulation est plus faible donc les rues sont moins bruyantes et c’est plutôt agréable de s’y promener surtout en comparaison des autres villes pakistanaises que j’ai visitées. On aperçoit même au loin les montagnes qui ceinturent la ville au nord est.

Nous atteignons le parc qui est grand et bien aménagé avec de l’herbe fraîche, il est temps d’ailleurs d’ajouter une couche car les températures sont plus basses à Islamabad que dans le sud, on a bien perdu dix degrés.

Ensuite, nous continuons notre balade pour rejoindre une gare routière dans un quartier du centre-ville afin que Felix puisse réserver un billet de bus pour aller tout au nord du Pakistan dans les montagnes pour quelques jours avant de rejoindre l’Inde et commencer son semestre d’études.

Finalement, Felix ne peut pas réserver son billet de bus dans cette gare et il doit aller dans une autre qui est plus éloignée mais une personne au guichet lui fait signe de passer de l’autre côté de la vitre pour prendre un thé et il m’invite également. Puis, deux autres de ses collègues nous rejoignent. Ils travaillent tous les trois dans une société de transport de passagers en bus principalement entre Islamabad et Quetta qui fait également du cargo et ils ont quelques clients qui viennent chercher leurs marchandises dans la soirée. La personne qui nous a invité est la plus âgée et ses collègues le surnomme « Djadja » puis il y a Taimoor qui est le plus jeune et Amir qui a un âge intermédiaire et qui est le patron de la société. Ils nous offrent un thé à la menthe puis, plus tard, un plat de poulet Biryani tandis que nous discutons de nos pays respectifs, leur histoire, les relations avec nos pays voisins et nous écoutons également des chansons de variété. Puis, en milieu de soirée, nous finissons par prendre congés en remerciant nos hôtes et nous rentrons en taxi à notre auberge.

De gauche à droite: Taimoor, Amir, Felix, Djadja et moi-même

Jour 92 (18/12/2022)

Aujourd’hui, nous avons prévu de faire une randonnée avec Felix dans les montagnes à proximité de Islamabad. Initialement, on devait le faire avec un contact pakistanais de Felix rencontré sur CouchSurfing mais, celui-ci ayant eu un empêchement de dernière minute, nous décidons d’y aller par nos propres moyens car les chemins ont l’air plutôt bien indiqués sur une application de localisation de Felix.

Nous commençons par visiter de l’extérieur la Mosquée Faisal d’Islamabad qui est immense, c’est la cinquième plus grande mosquée du monde et elle peut accueillir jusqu’à dix milles fidèles. Elle a été construite dans les années soixante-dix avec une architecture moderne et originale en périphérie de la ville juste à proximité des montagnes verdoyantes, ce qui la rend encore plus attrayante. Nous nous y rendons un dimanche donc il y a de nombreux visiteurs.

La mosquée Faisal d’Islamabad

Puis, nous empruntons un chemin longeant le bord des montagnes à la recherche d’un chemin de randonnée appelé « trail 4 ». Ce n’est pas très bien indiqué mais l’application de Felix est bien utile alors que je n’ai plus de réseau avec mon forfait Free depuis que je suis à Islamabad et, lorsque nous arrivons à un passage qui semble être une impasse donnant sur un bâtiment privé, je pense faire demi-tour mais Felix persévère et les agents de sécurité du bâtiment nous confirment par un geste qu’il y a bien un passage, ils semblent avoir l’habitude de voir des touristes qui viennent se balader dans ce coin. Il y a même des petits singes qui se baladent à proximité de la route.

Le chemin s’avère être un sentier étroit à moitié recouvert par la végétation et emprunté par des personnes venant couper du bois à la machette. Par ailleurs, Felix lit sur son application des commentaires de mise en garde comme quoi il y aurait des léopards dans les parages mais nous avons bien du mal à y croire en étant aussi proche de la ville. Nous continuons donc d’avancer et nous finissons par arriver à un croisement qui rejoint le célèbre « trail 4 ». Désormais, nous rencontrons de nombreux randonneurs pakistanais qui nous confirment que le chemin mène à un beau point de vue en haut des montagnes après environ deux heures trente de marche.

Cette fois-ci, nous sommes mieux organisés que pour la randonnée de Chiraz et nous avons prévu de l’eau pour l’ascension qui représente un dénivelé positif d’environ six cent cinquante mètres. Nous avons largement le temps avant le coucher du soleil et le seul impératif que j’ai indiqué à Felix c’est d’être de retour à l’auberge pour la finale de la coupe du monde opposant la France à l’Argentine que je ne voudrais rater pour rien au monde 🙂

En attendant, nous prenons de la hauteur sur un chemin de randonnée désormais bien dégagé et en pleine nature s’écartant petit à petit de la ville et de la route, ce qui est un vrai bonheur pour se détendre et apprécier le paysage. Il fait bon avec un peu d’air frais et nous marchons sous des arbres à l’ombre du soleil mais avec régulièrement des points de vue dégagés donc c’est très agréable et, sans hésitation, c’est ma meilleure journée depuis que je suis au Pakistan. Le seul point négatif est qu’il y a une légère brume qui empêche d’admirer pleinement la vue sur Islamabad depuis les hauteurs sinon ce pourrait être encore plus beau. Je m’interroge si cette brume est due à la pollution ou bien à des phénomènes de condensation d’eau en fonction des différences de température et du vent.

Nous parvenons sur le point culminant du chemin de randonnée sans vraiment avoir une vue panoramique mais la marche était quand même agréable et Felix parvient à trouver un itinéraire via le “trail 6” afin de rejoindre la route montant sur les hauteurs afin que nous puissions redescendre en auto-stop pour visiter un autre lieu touristique plus bas en gagnant du temps et de l’énergie. Felix a déjà pratiqué l’auto-stop au Pakistan et cela s’est très bien passé donc je fais confiance et, effectivement, nous trouvons un véhicule au bout d’une dizaine de minutes d’attente au bord de la route sur un faux plat avant des virages. C’est une belle voiture moderne conduite par un jeune proche de la trentaine qui nous accueille tout naturellement et nous dépose gentiment à l’endroit voulu. Le lieu est très fréquenté, c’est le parc Daman-e-Kho qui est situé à mi-hauteur dans les montagnes surplombant la capitale et il offre un panorama intéressant sur Islamabad tout en proposant de nombreux stands de sucreries et de nourritures rapides.

Le parc Daman-e-Kho avec la foule d’Islamabad en ce dimanche

Puis, nous descendons à pied via un autre chemin de randonnée (“trail 2” de mémoire) qui rejoint un jardin appelé « japonais » mais qui est surtout un sympathique parc avec des jeux pour enfants au pied des montagnes. Il y a beaucoup de monde dans les parcs de Karachi en ce dimanche, avec des enfants qui s’amusent comme ailleurs et des parents qui leur sourient et leur tiennent la main comme ailleurs également. C’est réconfortant de voir que nous partageons ces mêmes envies de passer de bons moments en famille ou entre amis malgré parfois les stéréotypes que l’on peut avoir sur certains pays d’après le peu d’informations que nous avons.

Le jardin japonais pour enfants

Puis, je suis Felix qui nous emmène à une gare routière pour réserver nos billets de bus vers nos prochaines destinations et pour cela nous utilisons le métro bus de la ville d’Islamabad qui est un long bus avec une voie réservée séparée de la route par une barrière en béton et qui a ses propres stations d’arrêts avec des escalators pour y accéder. Ensuite, nous terminons le parcours en taxi moto en se serrant à trois avec le conducteur. Je suis content d’avoir rencontré Felix pour découvrir la ville et ses environs ensemble et il m’a aussi permis de découvrir ces moyens de transport plus économiques et pratiques dans la capitale que je réutiliserai ensuite les jours d’après mais également je n’aurais probablement pas fait une aussi belle randonnée sans ses informations avec une localisation précise.

Nous arrivons juste à temps pour voir le match dans le salon de l’auberge avec d’autres pensionnaires d’origines pakistanaises et afghanes qui sont plus nombreux en faveur de l’Argentine mais je tâche d’encourager au mieux mon équipe. Le match commence de façon surprenante avec une forte domination argentine et une passivité de l’équipe de France que je ne reconnais plus et je me fais chambré par mes voisins jusqu’au déclic en milieu de deuxième mi-temps grâce aux changements de notre entraineur stratège et à la fulgurance de Mbappé qui me redonnent espoir et font taire les sarcasmes. La suite du match est folle avec un scénario digne d’un film à suspens qui se termine par une séance de tirs au but toujours aussi irrespirable et malheureusement perdue. Bravo quand même les bleus pour ce beau parcours et ce match magnifique et félicitations aux argentins !

Je pars me coucher en pensant pouvoir dire au revoir le lendemain à Felix car je partirai en fin de matinée pour visiter la ville de Murree mais finalement il fera une grâce matinée donc nous échangerons des messages pour garder contact et se souhaiter une bonne continuation de voyage.