Jour 89 (15/12/2022)

La nuit a été courte, je me suis levé à minuit pour regarder la demi-finale des bleus remportée avec maîtrise puis je me suis réveillé une nouvelle fois à quatre heures pour prendre un tuktuk en direction de la gare routière. J’arrive avec environ trente minutes d’avance sur l’heure prévue mais je vais patienter encore un long moment en somnolent dans la salle d’attente car le bus a du retard. Finalement, nous partons à six heures du matin, il fait encore nuit.

Le bus est confortable, il y a de la place pour les jambes et le siège est agréable mais je n’arrive quand même pas à dormir, sans doute perturbé par mes précédents réveils à répétition et aussi par les ronflements de mes voisins.

Il y a de la brume ce matin et la température est fraîche, nous faisons une pause à mi-parcours dans une gare routière de qualité avec des équipements de maintenance pour les bus afin de mettre à profit le temps de pause. Je me fais la réflexion qu’une grande partie des hommes au Pakistan porte un habit traditionnel comme dans la région du Baloutchistan iranienne, mis à part pour les personnes qui ont une fonction officielle comme policier ou militaire et qui portent l’uniforme dans ce cas. Pour les femmes c’est assez similaire et le port du voile n’est pas systématique, notamment dans les grandes villes, mais il reste majoritaire.

Désormais, nous roulons sur une longue autoroute à trois voies en très bon état, le paysage est toujours plat et verdoyant avec diverses plantations dont la plupart sont des rizières. La région de la ville de Multan où je me rends est également connue pour ses mangues en été.

A mon arrivée à la gare routière, c’est la même situation qui se renouvelle pour mon plus grand confort. A peine ai-je installé mon sac à dos sur mes épaules, qu’un passager du bus me retient pour me dire qu’il va m’aider à trouver un taxi. Je le remercie en lui indiquant que je souhaiterais d’abord réserver un billet de bus pour mon départ le lendemain à la capitale Islamabad et il m’accompagne pour faire l’interprète avec la personne au guichet. Lorsque je lui indique où se trouve mon hôtel, il me propose de prendre le taxi ensemble car il va dans la même direction.

Décidément, je suis très bien reçu par les pakistanais qui me répondent souvent lorsque je les remercie pour leur hospitalité avec un sourire un peu gêné par un « you are my guest » qui semble représenter le caractère quasiment sacré de bien recevoir un invité au Pakistan. Zeeshan travaille en tant que professeur à une université de Karachi mais sa femme et leur récente petite fille habitent à Multan d’où il est originaire. Cela représente une dizaine d’heures de bus donc il ne peut les voir que le week-end et il est impatient de les retrouver. Nous nous quittons à l’entrée de mon hôtel en faisant une photo souvenir.

Moi-même, Zeeshan au milieu et son frère à gauche qui est venu le chercher

La ville de Multan se situe dans la province du Pendjab alors qu’auparavant j’étais dans la province du Sindh (depuis Karachi jusqu’à Sukkur, avant c’était la province du Baloutchistan). Dans cette région, ou du moins dans cette ville, il y a une contrainte particulière de sécurité qui limite mes choix d’hôtels car ils doivent avoir une autorisation pour recevoir des étrangers et il y en a peu qui l’ont. J’ai donc dû prendre un hôtel d’un standing plus élevé mais ce n’est finalement pas pour me déplaire afin de pouvoir complètement récupérer après ma courte nuit et ma gastro récente. La chambre est très grande avec une belle salle de bain et même un petit salon avec la disponibilité d’un room service et pour un prix qui reste raisonnable pour mon budget, environ trente euros la nuit.

Ma chambre d’hôtel pour cette nuit

Je prends mon déjeuner dans ma chambre puis je décide de partir à la découverte de la ville afin de profiter des quelques heures de jours restantes. J’ai crû comprendre qu’il me faudrait une escorte policière mais ce n’est pas très clair pour moi comment cela va se passer donc j’informe le gérant de l’hôtel de mon intention de me promener et celui-ci appelle la police pour connaitre leurs instructions. Finalement, ils envoient un agent en uniforme mais non armé et à l’air débonnaire. Il s’appelle Imran, il ne parle pas beaucoup anglais mais il semble avoir l’habitude d’accompagner des étrangers, il a déjà le circuit habituel en tête des principaux monuments à visiter de la ville et c’est lui qui s’occupe de négocier les prix avec les chauffeurs de tuktuk. Imran est en quelque sorte mon guide, c’est assez étrange comme situation car à aucun moment je ne me sens en danger, les gens autour de moi soit m’ignorent soit me sourient et parfois me demandent une photo. Apparemment, l’escorte serait davantage pour s’assurer que les touristes n’aillent pas n’importe où dans cette région car il peut y avoir des zones sensibles mais je n’en sais pas plus.

La ville de Multan a une population de quasiment deux millions d’habitants et elle a de nombreux monuments intéressants dont notamment une butte en plein centre-ville sur laquelle sont situés un grand mausolée et un sanctuaire soufi avec également un parc qui représente un îlot de verdure et de calme au milieu de l’agitation de la ville.

Le parc avec le mausolée en plein cœur de Multan

Ensuite, nous prenons un nouveau tuktuk pour aller visiter un autre sanctuaire soufi dont le nombre et la qualité d’entre eux font la renommée de la ville de Multan. Les fidèles viennent se recueillir sur la tombe du saint en déposant des roses et parfois en chantant à l’unisson ou alors en disant des prières individuelles à voix basse.

Puis, nous nous rendons avec Imran dans le bazar de la ville qui est très fréquenté à cette heure de la journée avec les étals de tissus féminins qui sont toujours aussi nombreux et colorés. Des motos se fraient un chemin parmi la foule comme en Iran.

Le bazar de Multan

En quittant le bazar, je prends une petite photo souvenir avec Imran devant une des anciennes portes de la ville au milieu des tuktuks et des motos, c’est la cohue.

Puis, nous terminons par la visite d’un dernier sanctuaire datant du douzième siècle qui a été érigé en l’honneur d’un saint chiite dénommé Shah Gardez, issu d’Afghanistan et dont de nombreux descendants vivent à proximité pour s’occuper des lieux. L’un d’entre eux me propose amicalement un thé et il me raconte l’histoire de son ancêtre voyageur tandis que je décris également mon propre voyage, plus facile à faire à cette époque. Il aurait bien aimé me garder plus longtemps pour me faire découvrir la région qui semble effectivement intéressante mais j’ai déjà réservé mon bus et je ne suis pas très au clair sur les règes de sécurité à respecter donc ce sera peut-être une autre fois.

Voici la mosquée à proximité du sanctuaire de Shah Gardez que j’ai oublié de photographier, la petite coupole à droite conserve les empreintes de pied du saint

Nous rentrons finalement à l’hôtel à la tombée de la nuit et je remercie chaleureusement mon guide et escorte de l’après-midi Imran.

Une fois dans ma chambre, je me repose dans mon confortable lit tout en consultant mes messages puis je me prends une bonne douche chaude, ce qui n’est pas toujours possible dans les hôtels au Pakistan, ça fait du bien! Je dîne à nouveau dans ma chambre par facilité puis je me lance dans la mise à jour du blog.

Je termine ma soirée par un zapping télé pour découvrir ce qui est disponible à la télévision pakistanaise. Il y a tout d’abord des chaînes religieuses avec notamment une qui semble organiser le vote d’un jury spécialisé pour élire le meilleur chanteur religieux, ensuite je trouve du sport avec principalement du foot et du cricket puis un blockbuster américain et la retransmission d’une sorte de comédie de boulevard pakistanaise. Je finis par arrêter mon choix sur la retransmission d’un point presse du ministre des affaires étrangères pakistanais, diffusé par plusieurs chaînes d’information, qui répond à des journalistes de différents pays sur des sujets variés : les relations du Pakistan avec ses voisins l’Iran, l’Afghanistan et l’Inde, la guerre en Ukraine et ses conséquences économiques, la relance des discussions avec les États-Unis sur les échanges commerciaux, l’aide pour les dommages causés par les inondations… C’est très intéressant d’avoir son point de vue que je trouve mesuré et bien argumenté dans un anglais impeccable.

Voilà, il est temps de me reposer dans mon lit douillet et demain je rejoindrai la capitale du pays Islamabad. La visite de la ville de Multan a été brève et aurait probablement mériter au moins une journée supplémentaire pour visiter les environs mais, comme je l’ai indiqué auparavant, il y a des contraintes de sécurité qui ne sont pas très claires donc j’ai préféré continuer sur mon itinéraire.