Suite et fin du jour 71 (27/11/2022)

Magid me dépose au port de Bandar Abbas vers neuf heure trente du matin et on m’indique que le prochain ferry sera à treize heures. Je pense donc mettre à profit ce temps d’attente pour avancer dans l’écriture de mon blog mais à peine ai-je allumer mon ordinateur qu’une dame iranienne vient à ma rencontre pour me demander si j’ai du réseau. Nous engageons donc la conversation qui dévie rapidement vers d’autres sujets que les télécommunications en Iran et je lui raconte mon voyage ainsi que mon impression sur l’Iran. Mon interlocutrice s’appelle Parisan, elle est âgée d’une quarantaine d’années et elle a une fille d’une vingtaine d’années, elle habite à Téhéran mais elle a un projet immobilier sur l’île de Hormuz donc elle prévoit d’y passer un mois afin de suivre les travaux sur place.

Parisan est très joviale et sociable, lorsqu’elle aperçoit d’autres voyageurs avec un gros sac sur le dos comme moi, elle n’hésite pas à aller leur parler pour faire connaissance et je lui emboite le pas. Il s’agit d’un jeune homme turc, Erfan, et d’une jeune femme iranienne, Zeinab, qui se sont rencontrés en voyageant en auto-stop en Iran et qui font une partie de leur itinéraire ensemble. Puis un couple de français à vélo arrivent à leur tour, Camille et Antoine, originaires de Montpellier et qui sont partis de France depuis quasiment un an et demi avec pour objectif, comme moi, de rejoindre le Népal. Ils prennent le temps de découvrir les pays qu’ils traversent avec déjà quasiment trois mois en Iran et ils ont tout le matériel nécessaire pour être en complète autonomie.

Je suis impressionné de rencontrer autant de voyageurs en si peu de temps et avec des parcours différents mais avec chacun une part importante de défi personnel qui me font réfléchir à ma manière de voyager en bus qui requiert moins d’efforts et donc génère aussi moins d’aventure. Ils ont l’air très content de leur voyage et cela me fait plaisir de pouvoir parler français avec des compatriotes car cela permet de communiquer plus facilement et il y a une certaine complicité qui s’installe naturellement.

Je pensais initialement aller uniquement sur l’île de Hormuz mais chacun d’entre eux me conseillent vivement d’aller également sur l’île de Qeshm qui est juste à côté. Cela voudrait dire que je resterais plus longtemps que prévu sur ces îles alors qu’en parallèle j’ai du mal à obtenir des informations de première main sur la traversée de la route tout au sud-est de l’Iran longeant le golfe d’Oman puis sur le passage de frontière avec le Pakistan. J’ai changé d’itinéraire afin d’éviter de faire un grand détour pour rejoindre la frontière située plus au nord, du côté de la ville de Zahédan, qui semble plus éprouvante avec une escorte militaire et de nombreux checks points sur la route. Je suis en contact également avec un guide pakistanais dont j’ai sollicité les services afin d’obtenir mon visa mais aussi pour organiser les visites pendant la première semaine dans ce pays que je connais très peu via uniquement des vidéos de voyageurs et des articles en ligne. Toutes ces inconnues sont un peu stressantes mais il me reste encore un peu de temps pour m’y préparer et la très bonne nouvelle c’est que les deux autostoppeurs Zeinab et Erfan comptent emprunter la même route que moi dans la région du Baloutchistan iranien jusqu’à la ville de Chabahar donc cela me permettra d’avoir des éclaireurs !

Le trajet en ferry dure une quarantaine de minutes puis nous arrivons sur l’embarcadère de l’île de Hormuz dans une ambiance détendue avec de nombreux vacanciers iraniens qui viennent profiter du soleil et de la chaleur tandis qu’il commence à faire froid dans le nord du pays. Plusieurs locaux viennent à notre rencontre pour nous proposer de louer une moto, un scooter ou un chauffeur de tuktuk mais, pour le moment, ma priorité c’est de retrouver Derk dans l’une des auberges que l’on avait repérées en amont. Parisan a déjà réservé un logement tandis que les cyclistes et les autostoppeurs se donnent rendez-vous pour camper sur une plage de l’île donc nous nous séparons temporairement sachant que l’on se reverra très probablement dans cette petite île de quarante-deux kilomètres carrés de superficie.

Par chance, je croise Derk sur mon chemin qui déjeunait à proximité de l’embarcadère. Je suis très content de le retrouver et nous nous racontons nos péripéties depuis notre séparation à Kerman. Il est parvenu à rejoindre l’île et à trouver un hébergement agréable pour un bon prix puis à partir à sa découverte. C’est déjà son troisième jour sur place et il doit prendre un avion de Téhéran en fin de semaine donc il compte partir le lendemain. Pour ma part, je lui décris avec amusement comment j’ai failli moi aussi ne plus avoir de portable 😊

Ensuite, nous appelons un chauffeur de tuktuk afin de partir découvrir une partie de l’intérieur de l’île que Derk n’a pas encore pu visiter. J’aperçois pour la première fois les nombreux pics rocheux aux couleurs très variées de cette île volcanique qui me réserve de nombreuses surprises. Nous commençons par la visite de bassins de sel blanc dans lesquels s’écoule une eau claire et cristalline puis, comme nous avions fait avec Derk au désert de Lut, nous partons escalader des sommets rocheux afin d’avoir une vue panoramique la plus en hauteur sur cette partie de l’île. Je découvre une succession de dents rocheuses dans un décor digne d’un film de science-fiction.

L’eau cristalline dans des marres de sel

Ensuite, nous longeons le bord de l’île pour rejoindre le versant ouest afin d’admirer le coucher du soleil qui s’étire dans le ciel parsemé de quelques nuages pendant une bonne demi-heure avec toutes les nuances de jaune, d’orange puis de rouge : c’est magnifique. De retour à l’auberge, nous dînons ensemble avec Derk puis nous nous faisons nos adieux car il prendra un ferry tôt le lendemain afin de rejoindre la ville de Chiraz en bus.

Coucher de soleil dans la vallée des statues

Jour 72 (28/11/2022)

Pour cette journée, je décide de louer une moto afin de faire le tour de l’île qui peut se faire facilement en suivant l’unique route qui la ceinture. Ce sera mon retour au deux roues depuis mon voyage en Europe mais avec une moto bien plus ancienne et moins puissante. Les motos en Iran sont limitées à des cylindrées inférieures ou égale à 125 donc je loue une modeste et ancienne moto qui se démarre à la pédale de kick avec une pédale avant pour passer les vitesses, une pédale arrière pour rétrograder et le frein avant qui ne marche pas ! Heureusement, je ne roule pas vite pour profiter du paysage, la route n’est pas très pentue et elle est en bon état.

A peine ai-je commencé mon périple que je suis déjà saisi par la variété et les contrastes de couleurs sur cette île, c’est un décor unique avec des petits sommets pointus dont les cristaux brillent au soleil, il y a du blanc, du rouge, du jaune, du noir et dans tous les tons. Je m’arrête quasiment tous les quarts d’heures pour admirer les points de vue et me promener à pied.

Retour à la moto sur l’île d’Hormuz

Il y a de nombreux sites d’intérêts sur l’île, comme par exemple une plage où les tortues viennent pondre et couver leurs œufs, une grotte aux couleurs arc en ciel où j’ai cru un instant avec effroi m’être perdu, , la “plage rouge”, une grotte de sel, des montagnes qui ont des formes de statues d’animaux… Même si nous sommes pendant la saison douce, il fait quand même trente degrés et le soleil tape fort avec quasiment aucun point d’ombre sur l’île si ce n’est des stands de vente de souvenirs ou de boissons. Ainsi, pendant les six heures de mon parcours je boirai six litres d’eau ! Il parait qu’en été les habitants ne sortent quasiment pas de chez eux de dix heures du matin à quatre ou cinq heures de l’après-midi car il fait trop chaud. Donc, même si cette île est charmante, je ne pourrais pas vivre dans ces conditions et puis j’aurais vite l’impression de tourner en rond.

La plage rouge

Il y a également la vallée arc en ciel qui mérite bien son nom avec un condensé des nombreuses couleurs flamboyantes de l’île puis j’emprunte à pied un sentier escarpé qui me mène à une plage déserte avec de belles falaises. L’endroit pourrait être paradisiaque mais il y a malheureusement de nombreux déchets qui ont été abandonné sur la plage par des promeneurs peu soucieux de préserver la beauté de ce lieu. J’en profite quand même pour me baigner dans cette eau turquoise et chaude, ma dernière baignade remonte à la Mer Noire en Bulgarie et cette fois-ci il n’y a pas de méduses !

La vallée arc-en-ciel
La plage où je me suis baigné (les déchets plastiques étaient sur la droite, je ne les ai pas pris sur la photo…)

La dernière attraction sur le chemin est un espace hôtelier avec des maisons à l’architecture très particulière, sous forme de cônes arrondis avec des couleurs vives qui, malgré leur originalité, se marrient très bien avec leur environnement naturel. Cela me fait penser à des bonbons, Hansel et Gretel ne sont peut-être pas très loin.

Ensuite je ramène la moto après un tour de quasiment six heures avec de nombreuses pauses pour me balader. Le propriétaire est soulagé car il avait quelques doutes au départ en me voyant chercher comment rétrograder les vitesses.

Je retrouve Parisan à l’auberge qui a finalement décidé d’y séjourner également car c’est un bon rapport qualité prix et nous sommes rejoints par Zeinab et Erfan qui passeront aussi la nuit dans cet hébergement avant de continuer leur voyage. Nous nous baladons donc ensemble dans la soirée dans le petit centre-ville avec un ancien fort des portugais qui leur servait auparavant à sécuriser leurs échanges commerciaux maritimes sur cette voie stratégique avant d’être délogés par les iraniens appuyés par les anglais. Nous dégustons des Samosas sur un tapis en bord de mer puis, plus tard dans la soirée, nous allons avec un taxi réservé par Parisan sur une plage plus éloignée à l’abri des lumières de la ville afin de pouvoir admirer une plage de sable qui brille pendant la nuit (je cherche encore à comprendre à quoi cela est dû si vous trouvez). On peut également y observer le phénomène du plancton bioluminescent qui s’illumine de bleu dans la nuit sur les bords du rivage avec le mouvement des vagues en s’accrochant aux rochers ou bien à nos pieds et nos mains lorsqu’on les secoue dans l’eau. Hormuz est décidément une île magique avec sa large palette de couleurs et de brillants !

Plage de sable brillant sous l’éclairage de nos lampes pendant la nuit

Début du jour 73 (29/11/2022)

Etant donné que j’ai pu découvrir les principaux points d’intérêts de l’île de Hormuz, je décide de partir découvrir l’île de Qeshm avant de rejoindre la région iranienne du Baloutchistan qui est frontalière avec le Pakistan. J’ai déjà dit au revoir la veille à Parisan qui partait tôt le matin et on se sépare également avec Zeinab et Erfan qui vont prendre un ferry pour Bandar Abbas afin de continuer dans la Baloutchistan, cela me permettra d’avoir plus d’informations récentes sur cette région. Nous rencontrons par hasard le couple de français à vélo et cela nous donne l’occasion de faire une photo souvenir en espérant que nos chemins se recroiserons !

Photo de groupe avec de gauche à droite: moi-même, Antoine et Camille les cyclistes français, Zeinab et Erfan les auto-stoppeurs irano-turc

Le ferry part légèrement en avance par rapport à l’horaire prévu car toutes les places sont prises et une joyeuse ambiance s’installe à bord grâce à un groupe d’hommes qui chantent à tour de rôle. En cette fin d’après -midi il y a une belle lumière qui éclaire les pics rocheux aux multiples couleurs de l’île de Hormuz qui a clairement des paysages uniques que j’ai n’ai jamais vu ailleurs. Notre bateau croise également de nombreux pétroliers et portes containers dans cet axe maritime stratégique du golfe persique.

Il est désormais temps de découvrir une nouvelle île!