Suite et fin du jour 53 (9/11/2022)

Le bus nous dépose une nouvelle fois en périphérie de la ville au bord d’un trottoir mais, cette fois-ci, je sais me servir de Snapp donc cela me permet d’avoir une idée du tarif de base afin de pouvoir négocier plus facilement avec un chauffeur de taxi déjà sur place, quitte à payer un peu au-dessus.

J’ai réservé à nouveau une auberge pour rester dans la bonne dynamique de Téhéran et ce sera encore une belle surprise sachant que je savais déjà que j’y retrouverai Gijs et Raju que j’avais rencontré à Téhéran. L’auberge de Kashan est une ancienne grande maison historique qui est très bien conservée : à l’entrée, il y a une belle cour dont le centre est ouvert sur un bassin situé au niveau inférieur et de chaque côté de la cour sont disposés des canapés recouverts de tapis, des tables et des chaises. Puis il y a une cour annexe où l’on peut accéder aux dortoirs de quatre personnes et à la cuisine pour le petit déjeuner , tout cela pour un tarif de 5€ par nuit.

Je dépose mon sac dans mon dortoir qui est vide et je pars vers le centre-ville pour visiter le bazar et dîner. Il fait déjà nuit en ce début de soirée mais Kashan est une petite ville calme d’après le chauffeur de taxi donc je m’autorise à flâner un peu plus tard que d’habitude. A peine ai-je commencé ma promenade que je découvre une mosquée dont la coupole est illuminée en violet et les minarets en vert avec au-dessus la lune, je trouve ce spectacle magique et je verrais bien Aladin traverser le ciel sur son tapis volant. Puis le bazar réserve également son lot de belles surprises avec notamment de très belles cours intérieures richement décorées.

Quartier historique de Kashan de nuit, à proximité de mon hébergement

De retour au dortoir, je fais la rencontre de mon premier voisin qui s’appelle André, de père italien et de mère mexicaine. Il a trente trois ans et il profite d’un emploi saisonnier bien rémunéré en Suisse en tant que cuisinier pour voyager plusieurs mois par an. André a visité de nombreux pays qu’il a parcouru en train, en bus mais aussi en vélo. Il est en Iran depuis trois semaines en commençant par le sud du pays puis il remonte progressivement jusqu’à Téhéran d’où il prendra un avion d’ici une semaine pour l’Italie et ensuite il rejoindra la Suisse afin de reprendre son emploi saisonnier jusqu’au mois d’avril. Son voyage s’est bien passé jusque-là, il a notamment aimé les paysages de désert mais il commence à se lasser de la nourriture locale.

Puis, nous sommes rejoints par Nagi, un jeune japonais de vingt-deux ans qui étudie le persan à l’université de Téhéran pour quelques mois. Alors là, je ne m’attendais pas à une telle rencontre dans ce lieu ! J’avais l’image d’un pays isolé et je tombe sur un étudiant japonais qui apprend le farsi à Téhéran et qui vient passer son week-end ici dans cette auberge. J’adore ce type de rencontre inattendue qui interpelle avec des cas de figure auxquels je n’aurais même pas imaginé qu’ils existent, cela agrandit le champ des possibilités. Nagi nous a expliqué son parcours atypique qui a commencé par son goût qu’il porte à la philosophie combiné à son intérêt pour les cultures du Moyen Orient qui l’ont incité à apprendre le farsi afin de pouvoir lire plus facilement les auteurs perses et accéder à leurs modes de pensées. Apparemment, il y a plusieurs grilles de lecture possibles pour les textes des grands poètes persans donc cela demande une connaissance approfondie de la langue et de la pensée perse afin de pouvoir les déchiffrer.

Nous discutons ensemble de notre programme des prochains jours et, fort heureusement, nous avons des envies similaires avec notamment la découverte d’un désert de sel et surtout d’un désert de sable avec des dunes, le désert de Maranjab, donc nous pourrons faire cette sortie ensemble et à des tarifs plus avantageux.

Jour 54 (10/11/2022)

Après un bon petit déjeuner copieux à l’auberge, nous nous mettons d’accord avec André, Nagi ainsi que Renatto, un brésilien qui est dans la même auberge, pour s’inscrire ensemble à un tour proposé par l’auberge qui inclus la découverte du désert du Maranjab ainsi que la visite de quelques lieux touristiques sur la route. Raju prévoit de continuer sa route vers Ispahan et Gijs pense peut-être se rendre par ses propres moyens au désert en moto avant de rejoindre Ispahan.

Nous profitons donc de notre matinée de libre avec André et Nagi pour visiter le centre-ville, notre trio international un peu atypique ne passe pas inaperçu et surtout Nagi lorsqu’il s’exprime en farsi à la surprise des locaux. Nous déambulons dans l’immense bazar qui a de multiples anciens caravansérails plus ou moins bien rénovés mais c’est toujours un plaisir de s’y promener.

Cour intérieure du bazar de Kashan, très bien entretenue

Ensuite, nous retournons dans le quartier de notre auberge où de grandes et riches demeures d’anciens notables et commerçants peuvent désormais se visiter. Sur notre chemin, nous sommes interpellés par trois jeunes garçons d’une dizaine d’années qui nous font des signes de la main et nous parlent en farsi. Nagi nous explique qu’ils nous demandent de jouer au foot avec eux et nous acceptons avec amusement même si nous n’avons pas vraiment les vêtements et les chaussures adaptés. Ce sera donc l’équipe de foot d’Iran contre le reste du monde avec notre trio représentant trois continents. Les jeunes iraniens ne se laissent pas impressionnés par notre âge ni par notre taille et ils se dépensent sans compter en courant dans tous les sens pour nous dribbler, se faire des passes, défendre et attaquer. De notre côté, nous jouons franchement tout en évitant de se blesser mutuellement. La partie se révèle finalement assez équilibrée même si nous parvenons quand même à maintenir un écart de buts suffisants tout au long de la partie. Chacun se démène et nous commençons à transpirer à grande goutte sans un soleil de plomb. L’ambiance est bonne, on se chambre gentiment avec parfois des débats de chroniqueurs sur certains buts litigieux ou refusés soi-disant injustement mais, en l’absence d’arbitrage, nous arrivons malgré tout à nous mettre d’accord. Les jeunes garçons ne manquent pas de s’esclaffer lorsqu’ils parviennent à nous faire un petit pont avec nos grandes jambes et c’est de bonne guerre. Au bout d’une cinquantaine de minutes avec une dizaine de buts au compteur de chaque côté, on décide de mettre fin à la partie alors que le soleil est à son zénith. Le reste du monde a gagné mais les jeunes n’ont pas démérité et surtout c’était un beau moment de partage. Nous faisons une photo souvenir avant de nous quitter puis nous abandonnons la visite prévue des anciennes habitations pour aller déjeuner avant le départ vers le désert.

L’après match

Nous montons à bord d’un 4 x 4 en début d’après-midi avec un guide et nous commençons par la visite d’une ancienne cité souterraine datant du sixième siècle qui avait été conçue pour se cacher d’éventuels assaillants. C’est assez similaire à des cités souterraines que j’avais visitées en Cappadoce avec d’ingénieux systèmes d’aération et de conservation d’eau potable. Puis, nous visitons rapidement un ancien château en ruine et ensuite un très beau sanctuaire élevé en mémoire d’un saint martyr de l’islam chiite.

Le sanctuaire que nous visitons sur notre route vers le désert

Nous ne nous attardons pas longtemps pour ces visites car nous sommes tous très impatients de découvrir le désert de sel et surtout le désert de dunes du Maranjab sachant que ce sera la première fois pour moi et Nagi. Nous arrivons finalement à l’entrée du parc pour prendre un billet d’entrée puis nous parcourons cinquante kilomètres de piste sur du sable et des cailloux avant de rejoindre un ancien lac salé qui est désormais complètement asséché. La terre est morcelée en plaques dures et à la couleur marron car notre guide nous explique qu’il y a eu de la pluie et du vent récemment et le sel a été recouvert par une couche de sable mais on peut facilement l’apercevoir en grattant un peu la surface.

Photo souvenir sur le lac salé, Renatto est tout à gauche

Puis, sur le retour, nous nous arrêtons à proximité des dunes de sable du désert du Maranjab afin que nous puissions nous y promener pendant une trentaine de minutes juste avant le coucher du soleil. Le spectacle est saisissant avec des dunes de sable fin et de couleur orange qui forment de douces oscillations à perte de vue. Nous rejoignons d’un pas pressé et excités comme des enfants une dune surplombant les autres et, après quelques séances de photos souvenirs, nous nous asseyons tous en silence pour contempler la vue des dunes de sable au coucher du soleil, c’est très apaisant.

Mon premier désert au Maranjab

En retournant à la voiture, nous croisons un petit groupe de dromadaires qui viennent se désaltérer à un point d’eau. Là, je me dis que j’ai déjà parcouru une longue distance depuis Paris en rencontrant ces animaux sauvages en plein désert!

Le groupe de dromadaires se dirigeant vers le point d’eau

De retour en ville, nous faisons quelques courses pour cuisiner ensemble à l’auberge un bon plat de pâtes avec des tomates fraiches, des oignons et des œufs afin de varier les plats et ce fut un régal !

Pasta party à l’auberge!

Jour 55 (11/11/2022)

Pour ce matin, avec Nagi et André nous avons réservé une nouvelle excursion dans le village pittoresque de Abyaneh, situé dans les montagnes à mi-chemin entre Kashan et Ispahan. Il est connu pour ses anciennes maisons en argile et en bois de couleur rouge ocre qui s’insèrent parfaitement dans le paysage et même l’embellit.

Nous faisons d’abord un arrêt dans un ancien jardin royal, le jardin de Fin, qui est à proximité de Kashan et où les rois perses venaient se rafraichir l’été lorsque Ispahan était la capitale du pays. Il y a de nombreux bassins ainsi qu’un hammam et des arbres centenaires. Comme bien souvent, cela porte chance de jeter des pièces de monnaie dans le bassin et, particulièrement pour les examens des étudiants, donc Nagi se déleste de quelques pièces japonaises en espérant que cela fonctionne.

Le jardin de Fin

Exceptionnellement, le temps est couvert dans cette région aride et il y aura même un peu de pluie pendant la visite du village de Abyaneh mais elle est rapidement absorbée par la terre sèche. Le soleil fait des apparitions sporadiques qui nous permettent de pouvoir mieux apprécier la couleur unie du village. En ce vendredi de week-end, il y a de nombreux iraniens qui viennent visiter ce site et ils sont plusieurs à nous demander de quel pays nous sommes originaires et à nous souhaiter la bienvenue en Iran.

Notre guide est également le gérant de notre auberge et il était auparavant professeur en biologie (il continue de donner quelques cours et ce n’est pas la première fois que je rencontre un iranien qui cumule plusieurs emplois). Il nous explique l’histoire du village qui a conservé ses traditions centenaires et qui était auparavant riche avec de grandes demeures dont l’ensemble était protégé par deux forts sur les hauteurs. Il nous montre également que les anciennes portes sont divisées en deux battants indépendants avec chacun un heurtoir en métal dont la forme est spécifique ainsi que le son émit lorsqu’il est utilisé pour toquer à la porte. Celui en forme d’anneau est réservé pour les femmes afin que ce soit une femme qui leur ouvre la porte et celui en forme de bâton est réservé pour les hommes. Je retrouverai plus tard ce type de porte dans des quartiers historiques d’autres villes d’Iran.

Puis, nous prenons un peu de hauteur en rejoignant un fort en ruine afin d’avoir une vue d’ensemble sur le village et les montagnes autour.

Vue d’ensemble du village d’Abyaneh au coeur des montagnes

Sur le chemin du retour, notre guide s’arrête devant un monument en l’honneur des combattants iraniens décédés lors de la guerre contre l’Irak qui dura huit ans pendant les années quatre-vingt et qui fut extrêmement meurtrière des deux côtés. On pourrait la comparer à la Première Guerre Mondiale en termes de pertes humaines et il y a de nombreux monuments commémoratifs avec des portraits photos des soldats qui sont morts au combat et qui reçoivent le nom de martyrs ou chahid qui signifie témoin, dans le sens de témoigner de sa foi. Ce monument est exceptionnellement décoré au centre par un avion de chasse iranien fixé en hauteur car notre guide nous explique que plusieurs pilotes étaient issus du village de Abyaneh ainsi que d’un autre village voisin.

Ensuite, nous rentrons à Kashan en début d’après-midi et nous décidons tous les trois d’essayer un restaurant traditionnel dans une ancienne grande demeure de la ville afin de tester de nouveaux plats locaux. Le cadre est très agréable et typique des cours iraniennes avec un grand bassin au milieu qui est entouré de plantes et des tables ainsi que des bancs recouverts de tapis sont disposés tout autour. Les plats sont variés et savoureux pour des prix corrects de mon point de vue même si mes deux compagnons de tablée ne partagent pas le même avis concernant le prix, on s’habitue vite à un coût de la vie peu onéreux.

Le restaurant traditionnel à Kashan

Puis, nous visitons une riche demeure d’un ancien commerçant, il y en a plusieurs de ce type dans la ville de Kashan et de nombreux touristes viennent les visiter. En effet, on ne peut pas s’en rendre compte depuis la rue mais, lorsque l’on rentre par un accès dans une petite rue, on découvre une habitation très spacieuse et luxueuse avec plusieurs cours et de nombreuses salles avec de multiples portes permettant de faire facilement le tour de la demeure. Elle rassemble quasiment tous les types d’architecture que j’ai pu découvrir en Iran jusqu’à présent avec des arches formant une coupole comme dans les bazars, des bassins entourés d’arbres et de plantes, des vitres colorées dont les motifs et les couleurs se dupliquent au sol en s’étirant sous l’effet de la lumière du soleil. C’est magnifique et je sais que la ville de Chiraz est connue pour ce type de décoration donc je devrais heureusement en revoir. Il y a également d’ingénieux systèmes de ventilation et d’aération typiques de l’Iran appelés “tours à vent” (ou Badguir) qui permettent d’attirer et de faire circuler l’air froid dans les parties basses et d’évacuer l’air chaud par le haut en filtrant pour retirer l’humidité. J’en apprendrais sans doute davantage dans la ville de Yazd qui est connue pour ces tours à vent.

Lorsque nous finissons la visite de la riche demeure, il est déjà tard dans l’après-midi donc je décide de rester une nouvelle nuit dans l’auberge où je me sens très bien. André reste également et nous cuisinerons ensemble le reste de pâtes. Cependant, il est temps de nous quitter avec Nagi et nous nous étreignons chaleureusement en nous souhaitant mutuellement le meilleur pour la suite sachant que nous resterons en contact via les réseaux sociaux.

Puis, le lendemain matin, ce sera à mon tour de partir pour la ville de Ispahan alors que André restera encore quelques jours sur place dans ce lieu qu’il apprécie avant de rejoindre Téhéran pour prendre un avion vers l’Italie.

Vous l’aurez compris à la taille et aux nombreuses photos de cet article que ce rapide séjour à Kashan m’a beaucoup plu!