Jour 111 (06/01/2023)

Après la matinée dans la ville de Chandigarh puis le trajet en bus, nous arrivons à New Delhi par ses immenses routes tentaculaires et j’aperçois à travers la vitre une montagne de déchets sur laquelle roulent des tractopelles, on est dans une autre dimension.

Mon auberge de jeunesse est située proche de la gare routière donc je peux la rejoindre facilement à pied pour déposer mes affaires dans le dortoir puis je prends le métro afin de rejoindre le centre-ville.

Cette fois-ci, j’ai envie de me boire une bonne bière dans un bar car cela fait longtemps donc je me rends dans un quartier dénommé « Connaught Place » ou en abrégé “CP” où il y en a plusieurs d’après Google. Le quartier est très moderne et plutôt chic avec de nombreux magasins de vêtements de grandes marques et des cafés et restaurants qui ont l’air onéreux avec systématiquement une personne postée à l’entrée pour accueillir et inciter les gens à venir.

Il est encore tôt en soirée donc j’en profite pour me promener un peu plus loin et je découvre quelques temples hindous, l’un d’entre eux attire mon attention car il est très éclairé et je me décide de rentrer à l’intérieur en ayant observé auparavant comment les gens font. Il faut d’abord se déchausser puis on monte des escaliers qui mènent à un hall donnant accès à plusieurs salles avec des différents autels pour remettre des offrandes aux dieux et prier. Les gens passent d’une salle à l’autre en faisant une boucle. Lorsqu’ils remettent des offrandes, une personne leur peint avec un doigt un point sur le front et parfois leur remet un collier de fleurs autour du cou. Il y a des personnes de tous âges: des jeunes, des personnes âgées, des couples et des familles. Dans une salle, il y a un petit quatuor qui chante et joue du tambour. Chaque pièce est richement décorée jusqu’au plafond. Je prends discrètement quelques photos sans trop savoir si j’ai le droit donc elles ne sont pas très bien cadrées.

Ensuite, je cherche un restaurant afin de faire les choses dans le bon ordre avant de boire de l’alcool et je finis par trouver un restaurant un peu excentré du quartier Central Park qui propose un thali à volonté pour moins de quatre euros. Une fois attablé, on m’apporte le fameux plateau avec les différents récipients qui sont remplis à tour de rôle par une nuée de serveurs tenant chacun environ quatre petites casseroles qu’ils tiennent d’une main à l’aide d’un crochet central. Chacune des casseroles contient un plat différent qui sont servis dans notre plateau à l’aide d’une louche et les serveurs viennent fréquemment vérifier si l’un de nos récipients est vide pour le remplir aussitôt. C’est très bon, à la fois les plats sucrés et salés, et c’est accompagné avec différents types de galettes de pain, du riz et des lentilles. Je sélectionne mes plats préférés pour me resservir, notamment celui à base d’épinards et de fromages mais je finis par supplier d’un air amusé le serveur d’arrêter de me resservir car je sens que j’atteins mes limites.

Puis, je fais une petite marche pour repérer des bars sympas mais c’est difficile à évaluer car ils sont généralement sur l’étage supérieur et je ne peux me fier qu’à la porte d’entrée et parfois à la musique qui y est diffusée. Je finis par opter pour un restaurant bar qui accueille un chanteur guitariste. L’ambiance est bonne, le chanteur interprète des chansons en hindi qui sont parfois reprises par des clients enthousiastes. Je fais brièvement la connaissance d’un anglais au comptoir qui a une mission de travail en Inde. Je continue ma tournée de bières dans un autre bar mais qui est quasiment vide alors qu’il est à peine onze heures du soir un vendredi, je rentre donc me coucher à mon auberge.

Jour 112 (07/01/2023)

Aujourd’hui, je décide de partir à pied de l’auberge pour visiter New Delhi en essayant d’aller le plus loin possible. Je commence par me balader dans le quartier du « Old Delhi », il est environ dix heures du matin et la plupart des magasins sont encore fermés ou commencent à peine à ouvrir, les rues sont plus calmes. Je découvre quelques temples hindous sur le chemin sans trop savoir à qui ils sont dédiés et il y a un temple sikh, plus facile à reconnaitre grâce aux turbans sur les têtes des fidèles et le nom du temple qui commence généralement par « guru ».

Devant un parc fermé se trouve la statue de Gandhi qui est en piteux état avec des crottes de pigeons sur le crâne, le pauvre. J’aperçois également des singes qui se baladent tout naturellement sur les toits en tôle des balcons, cela fait bizarre de les voir en liberté dans cette ville immense.

Ensuite, je visite le Fort Rouge qui a été construit par les moghols au milieu du XVIIème siècle quand l’empereur Shah Jahan déplaça la capitale de Agra à Delhi. Ce fort a de grandes similitudes architecturales avec celui de Lahore et il possède des bâtiments aux fonctions similaires avec des cours de justice, des palais aux décorations raffinées, des fontaines et de grands jardins. Les hauts remparts avec de larges douves sont impressionnants (voir également la photo de couverture de l’article).

Je longe les murs extérieurs du fort vers le sud puis je bifurque à l’est pour rejoindre la Mosquée Jama Masjid qui a été également construite par Shah Jahan après le Fort Rouge et qui a de fortes similitudes architecturales avec la Mosquée Royale Badshahi de Lahore comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessous. Elle est très belle mais celle de Lahore est plus grandiose. Cette fois-ci, dans la cour, il y a des femmes en saris colorés qui ne portent pas toujours le voile.

Mosquée Jama Masjid

Je continue mon chemin à pied en empruntant à la sortie de la mosquée une rue étroite bondée de piétons et de deux roues dans les deux sens, c’est très animé. Il y a beaucoup de restaurants de chaque côté de la rue qui servent des plats de viandes et ils sont remplacés ensuite par des boutiques, notamment de vêtements pour femmes. Nous sommes visiblement dans un quartier musulman au vu des habits que portent les gens et ce lieu me fait penser au Pakistan. Au-dessus des têtes pendent les câbles électriques mais également des sortes de tuyaux qui ressemblent à des lianes.

Comment passer de l’autre côté? Il faut regarder de tous les côtés en marchant calmement.

Puis, je tombe un peu par hasard sur l’ancien fort en ruine Feroz Shah Kotla qui date du XIVème siècle à l’époque du sultanat de Delhi, avant l’empire moghol. Il y a notamment une très ancienne colonne avec des écrits bouddhistes qui date de l’empire Maurya sous le règne de Ashoka au IIIème siècle avant Jésus Christ, dont le territoire couvrait une grande partie de l’Inde et d’autres territoires autour après en avoir conquis aux successeurs de Alexandre le Grand. Il y avait plusieurs piliers de ce type et ils étaient situés sur d’autres sites mais le sultan Feroz Shah ordonna de déplacer cette colonne pour la placer en haut d’une pyramide à trois niveaux qui a été édifiée spécialement pour celle-ci. Cela nécessita de grands moyens techniques et humains.

Cour intérieure du fort Feroz Shah Kotla, à gauche on voit la colonne sur la pyramide

J’ai terminé la partie ancienne de Delhi et désormais je déambule dans de grandes avenues modernes dont une qui dispose de gradins de chaque côté comme lors du défilé militaire du 14 juillet sur les Champs Elysées et elle est bordée par des parcs traversés au milieu par un bassin. Au bout de cette avenue se situe la « India Gate », Porte de l’Inde, que je découvrirai le lendemain. La balade devient moins intéressante, je longe de grandes demeures officielles ultra sécurisées pour rejoindre une place avec des magasin et des cafés.

C’est là que j’ai rendez-vous avec une indienne vivant à New Delhi, dénommée Raags, pour prendre un thé avec une pâtisserie. Nous avons pris contact via une application qui me permet parfois de faire des rencontres quand je reste plusieurs jours dans une ville. Raags a la trentaine et travaille en tant que « freelance » pour écrire du contenu pour de grandes marques mais je ne saurais pas en dire plus car nous n’avons pas beaucoup discuté de nos professions, plutôt de nos vies personnelles. Un sujet que nous avons évoqué est l’utilisation de la langue anglaise en Inde qui, d’après Raags, devient dominante chez les jeunes à leur travail, même les discussions entre eux ou quand ils regardent un film ou une série sur les plateformes de streaming plutôt qu’à la télé. Ils n’écrivent quasiment plus en hindi depuis la fin de l’école et ils parlent le hindi seulement avec leurs parents et les serveurs dans les restaurants ou les chauffeurs de taxi. Néanmoins, après une dizaine de jours passés en Inde, il me semble que ce phénomène est sans doute limité à une classe moyenne ou supérieure car je vois encore beaucoup de monde qui parlent hindi ou la langue régionale entre eux, même chez les jeunes. Bien qu’il y ait une proportion importante de personnes qui parlent plutôt bien anglais en Inde, je pense que ce n’est pas suffisant pour qu’ils puissent exprimer pleinement leur pensée, à confirmer pendant la suite du voyage. Mais c’est sûr que l’anglais aide les indiens à communiquer car j’ai déjà pu voir des indiens du nord dont la langue maternelle est le hindi devoir parler en anglais avec des indiens du sud parlant le tamoul (et il y a beaucoup d’autres langues régionales en Inde: il y a en tout 234 langues maternelles en Inde!).

Ensuite, nous allons prendre un chocolat chaud dans un autre café au milieu d’un grand et beau parc avec les illuminations pendant la nuit et des monuments de l’époque moghol. Il y a un concert dans le parc en même temps. Raags reçoit un coup de fil de ses parents chez qui elle habite car ils s’inquiètent de l’heure tardive selon eux (vingt-deux heures…) donc il est temps de rentrer chacun de son côté. Sur le chemin du retour, je fais une pause dans un café sur le toit d’un immeuble qui offre une belle vue sur la Mosquée Jama Masjid.

Vue d’un café sur la Mosquée Jama Masjid

Jour 113 (08/01/2023)

Le matin est brumeux donc j’en profite pour m’enfermer dans le Musée National de New Delhi qui me permet d’en apprendre davantage sur l’Histoire de l’Inde que j’avais commencé à découvrir au Pakistan avec leur longue histoire commune. Une section est dédiée à la civilisation Harappa, ou appelée également civilisation de l’Indus dont j’avais pu voir les vestiges au Mohenjo Daro et qui date du troisième millénaire avant JC (j’avais noté 5000 ans pendant la visite du site mais j’ai sans doute mal entendu). Cette civilisation était parmi les plus avancées de l’époque en parallèle des civilisations égyptiennes, mésopotamiennes et chinoises. Des objets assez similaires à ceux que j’ai vu au Pakistan sont exposés.

Ensuite, il y a une rapide présentation de l’empire Maurya qui occupait une grande partie de l’Inde actuelle au IIIème siècle avant JC puis il y eu les Shunga et d’autres avec principalement des sculptures de ces époques mais je trouve qu’il n’y a pas assez d’explications et de cartes pour présenter les différentes périodes de l’histoire indienne.

La section avec des statues en bronze des nombreux dieux et déesses hindous avec des styles différents suivant les régions d’Inde est plus intéressante. Je constate dans ces oeuvres la mise en avant des corps souvent à moitié dénudés et dans des poses agiles, en dansant, et avec des mines généralement joyeuses, souriantes.

Une autre section qui m’a plu est dédiée aux peintures bouddhistes d’Asie centrale réalisées sur de la soie, je les trouve bien décorées et avec un style différent de ce que j’ai l’habitude de voir.

Puis, une autre galerie est dédiée aux cultures tribales indiennes avec de nombreux costumes, instruments de musique et sculptures en bois qui me font penser au musée du quai Branly mais, là encore, cela manque d’explications à mon goût.

Donc, globalement, je trouve que c’est un musée intéressant mais il manque quand même de larges pans de l’histoire indienne, notamment pour des périodes plus récentes.

Ensuite, je me rends à l’India Gate qui est située à proximité et qui est une sorte d’Arc de Triomphe au milieu d’une grande place qui est remplie de monde en ce dimanche alors que le soleil réapparait.

India gate

Des panneaux explicatifs présentent la vie du leader indépendantiste indien Subhas Chandra Bose qui s’est pleinement investi tout au long de la première moitié du XXème siècle pour initier une lutte armée contre l’empire britannique afin d’obtenir la libération de l’Inde plutôt que des moyens pacifistes comme préconisés par Gandhi. Il a créé l’INA, India National Army avec l’appui des ennemis de l’Angleterre à cette époque : l’Allemagne et le Japon, pour constituer une armée avec les prisonniers de guerre indiens et tenter de reconquérir des territoires indiens. Il est mort dans un accident d’avion peu de temps avant la fin de la seconde guerre mondiale. On voit là deux visions différentes des moyens pour obtenir l’indépendance de l’Inde et il y en avait de multiples à cette époque comme je le découvre dans la biographie de Gandhi. Ces différences d’opinions existent encore et c’est probablement l’objectif du chef de gouvernement en poste actuellement d’avoir érigé cette statue en l’honneur de ce leader indépendantiste afin de mettre en valeur ses idées pour valider l’orientation de la politique actuelle ou future.

A ce moment, une petite délégation arrive pour se prendre en photo devant la statue avec quelques militaires et une personne en costume qui semble importante au vu de la foule qui s’amasse autour de lui lorsque la délégation essaye de retourner à leur véhicule. Il semble que c’est un ministre et il se prête quelques temps à des séances de photos avec les passants mais c’est très difficile de l’apercevoir au milieu de cette nuée de personnes avec les téléphones portables en l’air. Cela m’amuse et d’ailleurs l’ambiance reste détendue, les militaires ouvrent calmement la voie pour rejoindre la voiture et ils finissent par s’en aller.

Séance de selfies d’un ministre indien devant la statue de Bose et au milieu d’une nuée de personnes

Le déjeuner prévu initialement avec Raags est annulé car sa famille reçoit des invités et elle se doit d’être présente donc je continue de marcher dans Delhi mais sans vraiment d’objectif, si ce n’est de rejoindre le quartier “CP” afin de peut-être y prendre un thé plus tard avec Raags après son déjeuner. Sur ma route, je croise par hasard une manifestation qui se trouve être la « gay pride » de New Delhi, c’est la première manifestation que je vois depuis longtemps, elle est festive avec beaucoup de jeunes qui chantent et dansent, encadrés par un dispositif de sécurité mais sans être excessif. L’ambiance est bonne et je me fais la réflexion que le fait de permettre l’organisation d’une telle manifestation sur ce thème et dans ces conditions est bien la marque d’un pays démocratique même si je me doute que ce n’est pas parfait. Les manifestant scandent souvent le mot « azadi » qui signifie liberté.

Une fois arrivé au quartier “CP”, Raags ne pouvant me rejoindre, je me fais plaisir en allant dans un bon restaurant avec une cour intérieure à l’abri du bruit puis je vais au cinéma pour voir un film de Hollywood, « Avatar 2 », qui est projeté en anglais avec les sous-titres. Le film est divertissant, il me donne envie de redécouvrir la vie sous-marine bien que je trouve le scénario un peu simpliste et la deuxième partie moins intéressante. Je me rattraperai une prochaine fois pour voir un film de Bollywood 🙂

Jour 114 (09/01/2023)

Je décide de rester un jour de plus à New Delhi, initialement pour obtenir quelques informations sur des visas mais cela ne sera pas utile donc je marche ensuite dans de nouveaux quartiers et je commence par la visite d’un temple sikh, qui est toujours une valeur sûre pour passer un moment agréable sans être importuné. En effet, depuis que je suis à New Delhi, je me fais souvent interpellé dans la rue par des chauffeurs de tuktuks, des cireurs de chaussures, des vendeurs en tout genre…, cela devient usant et je perds parfois patience en répondant froidement ou pas du tout sans regarder mon interlocuteur.

Je découvre également une cathédrale qui est grande et bien entretenue avec un arbre de Noël et une grande crèche à l’extérieur.

Ensuite, je rejoins le temple hindou Birla Mandir qui fut inauguré par Gandhi en 1938. Pour y entrer, il faut se déchausser et laisser son téléphone dans un casier car les photos sont interdites. Pour le moment, c’est le plus grand temple hindou que j’ai vu, à l’intérieur cela ressemble à un grand palais avec un hall entouré de colonnes supportant un cadre orné de sculptures. Il y a beaucoup d’images d’éléphants et aussi des différents dieux hindous, le svastika est également souvent représenté, cela fait bizarre car en tant qu’européen cela me fait penser forcément à une période bien sombre de notre Histoire. Il y a également un jardin à l’arrière du temple où l’on peut se promener et qui permet d’avoir une vue avec plus de recul sur le temple.

Puis, je continue ma marche en visant une grande place sur la carte avec des monuments et des jardins mais ce sont des bâtiments officiels tels que le parlement et le siège du gouvernement et tous les accès sont interdits largement en amont. Il y a également de grands bâtiments pour les médias et la banque centrale qui est immense, forcément ils sont aux dimensions d’un pays d’un milliard et quatre cent millions d’habitants…

Cette fois-ci, j’ai l’impression d’avoir fait le tour de la ville et la marche commence à me fatiguer donc je rentre me reposer à l’auberge puis j’essaye de rattraper le retard sur mon blog et je passe quelques coups de fils à des proches.

En début de soirée, je pars dîner dans le quartier du Old Delhi et je passe par hasard devant un temple hindou Shri Gauri Shankar Mandir où de nombreuses personnes se sont rassemblées pour chanter assis par terre ou debout à l’entrée du temple. L’ambiance est dynamique, voir exaltée, parfois même les fidèles paraissent en état de transe avec le rythme des tambours qui s’accélère, cela me change de l’image paisible de l’hindouisme que j’avais. Il y a beaucoup de jeunes hommes mais aussi quelques femmes, ils ont des peintures sur le front avec généralement des traits blancs horizontaux et un point rouge au milieu avec du orange. Je reste à les écouter et les observer une bonne vingtaine de minutes, ils ont de nombreux chants, c’est très vivant.

Chants devant un temple hindou

Ensuite je rentre à mon auberge en métro, demain je partirai pour une nouvelle aventure au Rajasthan, à suivre !